Un marché à Aix-en-Provence. Image d'illustration. ©Terry Granger

Dans un rapport, des députés font une analyse sur la souveraineté alimentaire en Europe. Entre crise profonde du monde agricole, dépendance aux marchés financiers, réchauffement climatique et concurrence déloyale, les vulnérabilités de la filière sont nombreuses.

 

« L’Europe est aujourd’hui capable de se nourrir en quantité et en qualité ». C’est une des conclusions du rapport sur la souveraineté alimentaire réalisé par les députés de la XVIe législature, Rodrigo Arenas et Charles Sitzenstuhl en février 2024. Les deux membres de la commission des affaires européennes exposent les forces des pays du vieux continent sur le sujet ainsi que les problématiques des producteurs européens.

 

Entre dépendance et souveraineté

La souveraineté alimentaire va au-delà de la simple sécurité alimentaire et s’inscrit dans un contexte géopolitique de plus en plus complexe. Initialement théorisée par le mouvement altermondialiste, elle est désormais une priorité politique en France et en Europe. Ce concept implique de maîtriser durablement les systèmes agricoles et alimentaires pour éviter les dépendances externes qui fragilisent l’autosuffisance existant depuis 1970, date à laquelle « l’Europe atteint l’autosuffisance alimentaire et la Communauté économique européenne (CEE) devient exportatrice nette de sucre, de viande et de produits laitiers » selon le document.

 

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L’Union européenne, bien qu’étant une puissance agricole mondiale, peine à maîtriser ces dépendances. Les enjeux alimentaires sont au cœur des tensions internationales, illustrant la pertinence d’une approche de souveraineté. En France et en Europe, les systèmes agricoles et alimentaires demeurent dépendants des marchés internationaux. La mesure de cette souveraineté est complexe, nécessitant des informations fiables sur les dépendances externes.

La production européenne de protéines végétales est toujours insuffisante pour satisfaire les besoins de nos système d’élevage » pointe le rapport. Cette dépendance spécifique aux coproduits agricoles riches en protéines souligne la nécessité d’une stratégie renforcée pour garantir une véritable souveraineté alimentaire.

 

Une nécessité d’adaptation aux défis climatiques

Les systèmes agricoles et alimentaires européens sont les premières victimes du changement climatique. Ce dernier exerce une pression croissante sur les ressources naturelles et menace la durabilité des pratiques agricoles. L’agriculture européenne doit améliorer sa contribution aux objectifs climatiques tout en s’adaptant aux impacts du changement climatique. Les rapporteurs « alertent sur deux menaces en particulier : la pollution et la perte de terres agricoles productives ». Les sols agricoles, en particulier, subissent une dégradation de leur santé, mettant en péril leur vocation nourricière. La protection de ces sols, bien que tardive, est essentielle pour préserver les capacités de production alimentaire.

 

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Les crises sanitaires et les conflits géopolitiques révèlent les vulnérabilités et la résilience de l’Europe. La crise sanitaire a perturbé les chaînes d’approvisionnement, dévoilant les faiblesses structurelles du Vieux continent tout en montrant sa capacité d’adaptation rapide. La guerre en Ukraine, perturbant les filières agricoles, n’a pas déclenché de crise alimentaire chez nous grâce à la réactivité des pays occidentaux et à l’exploitation des flexibilités d’urgence.

 

Vers une transition agroalimentaire durable ?

La transition agroalimentaire, engagée dans le cadre du Pacte Vert européen, nécessite un soutien renforcé aux agriculteurs pour garantir une production durable et résiliente. « En France, certains agriculteurs ont fait le choix d’abandonner leur conversion pour privilégier un retour à l’agriculture conventionnelle. » met en avant le rapport. L’agriculture européenne, parmi les plus exigeantes en matière environnementale, doit poursuivre sa transition écologique pour répondre aux enjeux climatiques et alimentaires mais. Une évaluation complète de l’incidence du Pacte Vert sur la production agricole est cruciale pour ajuster les politiques de soutien et éviter des effets négatifs sur la production.

Le succès de cette transition repose sur une évolution progressive et concertée de l’offre et de la demande de produits alimentaires. « Si l’État, en France, a fait le choix d’apporter un important soutien financier pour permettre de traverser ces difficultés temporaires, force est de constater que sans demande, l’offre agricole ne peut pas suivre. » Les initiatives législatives du Pacte Vert doivent aboutir pour aligner les structures institutionnelles de l’Union sur les enjeux de la transition agricole.

 

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Par ailleurs, des évolutions ciblées de la Politique Agricole Commune (PAC) et de la Politique Commune de la Pêche (PCP) sont nécessaires pour renforcer la souveraineté alimentaire sur ses deux jambes, terrestre et aquatique. Cela inclut un soutien accru aux aides favorisant la redistribution, la transition agro-écologique et l’autonomie stratégique, ainsi que le renforcement de la durabilité et de la compétitivité des filières de la pêche et de l’aquaculture.

Pour faire face à la concurrence internationale déloyale, une révision de la politique commerciale européenne s’impose. L’Europe doit privilégier des accords commerciaux bilatéraux protecteurs pour les producteurs et les consommateurs européens. Assurer une concurrence loyale au niveau international implique de soumettre les produits importés à des règles de réciprocité et à un prix du carbone, tout en accompagnant la transition agricole des pays tiers.

 


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