La nouvelle est tombée jeudi 17 novembre dans un communiqué de l’Elysée : « Le Président de la République a été diagnostiqué positif à la Covid-19 ce jour ». Le glas raisonne dans le pays. Les commerçants inquiets délaissent les clients attendant à la caisse ; les restaurateurs atterrés dans leurs établissements éteints, les rideaux baissés, scrutent les informations en continue ; les agriculteurs en larmes coupent les moteurs de leurs tracteurs ; les médecins épris d’émotion devant un malade aussi prestigieux, en oublient de donner l’ordonnance aux patients ; les retraités colportent la rumeur aux passants mal avertis ; les artistes errants dans leurs ateliers s’émeuvent devant la funeste nouvelle ; les salariés télétravailleurs délaissent leurs boites mails pour lire et relire les articles de presse qui défilent sur leur écran. Ils ont bien lu, Macron est malade.
Mais à l’émoi national s’ajoute l’affolement général de la Cour. Une catastrophe pour ceux qui voient sous leurs yeux Jupiter se faire foudroyer. Les courtisans tournent en rond, s’agitent, et peinent à comprendre ce qui a bien pu causer l’alitement du prince. Celui-ci aurait-il raté une marche, lui qui avait mis tout en place pour que le mal passe ? Les journalistes s’acharnent à en trouver la cause. Sûrement la semaine dernière durant le sommet européen à Bruxelles, en présence des dirigeants des 27 Etats de l’UE. Là où Macron peinait à imposer sa vision de l’Europe pour y faire la pluie et le beau temps, peut-être pourra-il au moins se targuer d’être suivi d’exemple dans sa quarantaine. En effet, les chefs du gouvernement luxembourgeois, portugais, belge et espagnol se sont mis par précaution à l’isolement.
Malheureusement, la liste ne s’arrête pas là car certains courtisans pâtissent du même sort. A commencer par Jean Castex, pourtant testé négatif, qui s’est retranché dans Matignon pour vivre le même sort que son maître. D’autres ont suivi le même chemin : Richard Ferrand, président de l’Assemblée Nationale, ainsi que plusieurs présidents de groupes tels Valérie Rabault (PS) et Olivier Becht (Agir ensemble). La plèbe des réseaux sociaux s’interroge : la Cour se serait donc réunie sans aucune précaution ? L’agenda présidentiel fait état d’une rencontre mardi avec les présidents de groupes politique mais surtout d’un dîner ce mercredi en présence d’une dizaine de figures de la majorité. La populace sur les carrefours s’exclame : les gestes ont-ils vraiment été respectés ? Macron dans une vidéo tournée sur son téléphone, aux allures de journal de bord façon astronaute, l’assure : « Je fais très attention. Je respecte les gestes barrières, les distances, je mets le masque, je mets du gel hydroalcoolique de manière régulière. Et, malgré tout, j’ai attrapé ce virus, peut-être sans doute un moment de négligence, un moment de pas de chance aussi, mais c’est ainsi »
Alors, aux murmures de la foule, il faut répondre de manière forte et pour cela quoi de mieux que le pathos ! On en vient à la faute à pas de chance, à la férocité du virus parce que oui « le virus, vraiment, peut toucher tout le monde », même les meilleurs. Et les médias enfoncent le clou : et que se passerait-il si le Président venait à ne plus pouvoir assurer ses fonctions, ou pire, à mourir ? Le catafalque est posé, les cierges sont allumés, le souvenir de Pompidou est ressassé, la scène est prête à être jouée. La Cour s’en donne à cœur joie, car il faut bien le dire l’image du roi-martyr est quelque peu alléchant. Le prince se doit d’être vu dans sa chemise d’hôpital avec la souffrance sur les traits du visage. Et fort heureusement Emmanuel Macron tient à être le plus transparent sur sa santé, permettant ainsi de donner au bon peuple quelques nouvelles et lui rappeler à son bon souvenir. Peut-être aurons-nous alors le droit d’assister aux disputes des médecins se déchirant sur le traitement à préconiser au-dessus du corps de leur auguste patient, comme il en fut jadis pour Louis XIV et de sa gangrène qui lui en coûta. Ironie du sort, c’est à la Lanterne que notre artistocrate s’est retiré. Espérons pour lui que le peuple des confinés ne viendra l’y trouver pour quémander son pain.
Si nous ne pouvons que souhaiter au Président un prompt rétablissement, gageons que de cette maladie en sortira une tragi-comédie.