Le général de Gaulle et le colonel Rémy défilant dans les rues de Saint-Anne d'Auray en Bretagne en 1944.

Le colonel Rémy est l’un des résistants les plus connus de la Seconde guerre mondiale. Proche du général de Gaulle, celui-ci a rompu avec lui lorsqu’il a souhaité réhabiliter le maréchal Pétain.

 

« Il y a eu des admirateurs du maréchal Pétain, des partisans des idées et du principe de la Révolution nationale, des membres des organismes officiels du régime qui sont devenus des résistants à part entière » écrivait Bénédicte Vergez-Chaignon dans son ouvrage Les vichystos-résistants, Paris, Perrin, 2021. Une vision partagée par le colonel Rémy et parfaitement incarnée par François Mitterrand, futur président de la République.

 

De la révolution nationale au gaullisme

Né le 6 août 1904 à Vannes, le colonel Rémy, de son vrai nom, Gilbert Renault, est l’aîné d’une famille de dix enfants élevée dans la tradition catholique. Marqué par ses études chez les Jésuites, il devient sympatisant de l’Action Française sans y avoir jamais adhéré. Il s’engage dans la résistance après le discours du maréchal Pétain : l’armistice aux conditions imposées par les Allemands. Néanmoins, il souhaite rester favorable aux idées de la Révolution nationale proposées par Vichy. Pour lui, la famille et l’éducation sont le noyau d’une patrie victorieuse.

 

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Durant l’Occupation, il devient « l’agent secret numéro un de la France Libre » et se retrouve affublé de plusieurs noms de code dont le plus célèbre demeure « Rémy ». Il est le co-fondateur, avec Louis de La Bardonnie, du réseau de renseignement la « Confrérie Notre Dame ». Il s’agit de l’un des réseaux de renseignement les plus développés sur le territoire français de nord de la Bretagne jusqu’à Bordeaux, qui se maintient durant toute la guerre. C’est le réseau de Rémy qui est le premier à établir une liaison radio avec Londres le 17 mars 1941.

Il est le pivot dans l’alliance entre les communistes et la France libre et découvre en eux des partenaires courageux, organisés et loyaux. Rémy effectue de nombreuses missions en Espagne et en France sous différentes couvertures liées à son activité professionnelle : l’industrie du cinéma, avant d’être rappelé en Angleterre pour sa sécurité par Passy, résistant responsable du deuxième bureau des services secrets de la France libre à Londres, dépendant du Bureau Central de Renseignements et d’Action. Il participe aussi activement au Débarquement et à la libération de la France depuis Londres.

 

L’instabilité de l’après-guerre

A la fin de la guerre, Rémy est dubitatif face au rôle qu’il doit tenir. La Résistance lui manque, seul le lien indéfectible qui l’unit à de Gaulle l’aide à garder le cap. Le conflit entre Gilbert Renault et le colonel Rémy prend de plus en plus de place dans son esprit.

Profondément ennuyé et peu convaincu par la politique durant toute sa vie, il refuse de rejoindre un quelconque parti et de s’engager jusqu’à la fondation du RPF en 1947 par le chef de la France libre. Fidèle du général de Gaulle pendant toute la guerre et de nombreuses années durant, il devient son bras droit, son confident et ami, après 1945.

 

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L’ancien agent secret découvre qu’il n’y a pas eu uniquement la résistance de la France Libre, mais également d’autres, au sein même du territoire français. Il accorde beaucoup d’importance aux nouveaux témoignages qu’il reçoit, et qui le confrontent à une nouvelle vision de la guerre. Rémy est révulsé par la mise en place de l’épuration et le récit de ceux qui sont touchés par cette forme de justice. Par la découverte de ce milieu, Rémy retourne vers ses racines conservatrices et monarchistes, doutant alors de sa place au sein du RPF. Il s’éclipse au fil des semaines et se confronte à l’ambiguïté du général.

Le 11 avril 1950 est sans nul doute une date charnière dans la vie du colonel Rémy. Il dévoile au grand jour ses convictions enfouies et son nouvel attachement au maréchal dans son article « La justice et l’opprobre » au sein de l’hebdomadaire Carrefour. L’article résonne comme un coup de tonnerre dans le milieu de la Résistance. Il y présente non seulement ses excuses au prisonnier de l’île d’Yeu mais surtout il réclame la révision du procès afin de procéder à sa réhabilitation. Il s’appuie sur différents éléments pour justifier son action sans faire outrage au milieu qu’il côtoie depuis si longtemps.

 

Rassembler les Français

Il rédige cet article dans l’espoir de retrouver l’unité nationale, et qui de mieux placé que lui, le fidèle du général de Gaulle pour tendre la main aux fidèles du maréchal. Cependant, Rémy commet une bévue qui lui coûte son amitié avec le chef de la France Libre en justifiant ses propos par des conversations privées qu’il a eues avec le général. La thèse du bouclier (maréchal Pétain) et de l’épée (général de Gaulle) dont Rémy s’empare a longuement été discutée et perdure encore aujourd’hui.

 

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Sa tentative de distinction entre le maréchal Pétain et le régime de Vichy est tournée en dérision, et est jugée comme une tentative bien trop précoce dans le contexte historique et politique de l’époque. Étant radié de l’AFL ainsi que du comité directeur du RPF, plus rien ne le retient dans le milieu gaulliste si ce n’est l’admiration et l’affection qu’il continue de porter pour le général.

La présence de l’abbé Jean-Marie Desgranges ainsi que celle des généraux Hering et Weygand, donne à Rémy une ligne directrice à suivre au sein du milieu maréchaliste. Ces personnalités le confortent dans sa démarche et cette vision de la guerre qui l’a poussé à revoir ses convictions. Rémy s’engage pleinement dans ses nouvelles activités avec l’ADMP ainsi que la SAJA, la Société des Amis de Jeanne d’Arc, enchaînant, conférences, écrits et rencontres.

 

Une nostalgie conservatrice

A partir de 1960, Rémy change ses habitudes, il noue des amitiés avec les plus grands maréchalistes : Georges Lamirand, l’amiral Auphan ou encore le général La Porte du Theil. Ils ont tous des raisons supplémentaires pour continuer le combat. Rémy apprécie les hommes d’ordre, de caractère et de conviction, il le prouve à nouveau par l’admiration qu’il voue à Lord Louis Mountbatten, tout comme envers Salazar avec qui il noue une vraie amitié. Toutefois l’ancien résistant doit aussi faire face à plusieurs démonstrations d’animosité de la part du milieu maréchaliste et notamment Jacques Isorni : l’avocat du maréchal Pétain.

 

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Cette instabilité relationnelle dans laquelle s’installe Rémy provient aussi de la nostalgie qui l’habite. Il espère toujours cette réconciliation avec le général de Gaulle, lui assurant à nouveau sa fidélité avant d’être profondément déçu par la proclamation de l’indépendance de l’Algérie. Pour Rémy, cela marque définitivement la rupture avec son ancien chef, terminant sa carrière et sa vie en maréchaliste convaincu, bien décidé à se battre jusqu’au bout pour ses convictions. Le résistant de 1940, est désormais bien loin de ses convictions et des propos qu’il tenait durant les années de guerre.

 


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