Éric de Bisschop est un navigateur et explorateur français. Il est notamment célèbre pour ses voyages transocéaniques et fait partie des premiers navigateurs sur petit voilier de la première moitié du XXe siècle.
« Qui aime la jeunesse, aime la mer ». Cette citation de Tennessee Williams résume la vie d’Éric de Bisschop, marin épris d’aventures depuis sa tendre enfance et véritable électron libre.
Né le 21 octobre 1891 dans le Pas-de-Calais, Jules Éric Joseph de Bisschop grandit dans une famille de savonniers. Une partie de ses biographes affirme que Philippe Pétain serait son parrain. A l’âge de 14 ans, il devient mousse sur le quatre-mâts Dunkerque et suit les cours d’hydrographie d’où il sort lieutenant avant de rejoindre la marine marchande. Alors que la Première Guerre mondiale commence, Bisschop est mobilisé dans le Nord-Pas-de-Calais où il commande un patrouilleur. Il est blessé lors d’un vol en hydravion en 1917 et termine la guerre hospitalisé.
Un marin têtu
La guerre achevée et la santé rétablie, il devient pendant 18 mois armateur avec un vieux trois-mâts sur les côtes africaines. En 1927, il part en Chine et tente d’étancher sa soif d’aventures. Avec un de ses camarades, il construit une jonque qu’il baptise Fou Po l et remonte avec son camarade le Yangzi Jiang. Malheureusement, celle-ci se fracasse en mer. Les reins solides, ils construisent le petit frère qu’ils appellent Fou Po II et voyagent autour des côtes de la Nouvelle-Guinée. En juillet 1935 ils sont accusés d’espionnage par les Japonais alors qu’ils séjournent sur les îles Marshall. Relâchés, Bisschop et son camarade Joseph Tatibouet reprennent la mer et arrivent tant bien que mal à court de vivres sur l’île de Kalauppa en octobre 1935. Très affaiblis, ils sont recueillis par des lépreux et leurs soignants.
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Deux jours après leur jonque est détruite dans une tempête brisant les trois années de recherche des courants marins et de coordonnées d’îlots. Mais ce n’est pas cela qui arrêtera Bisschop. Il construit un nouveau bateau qui ne sera pas une jonque, mais une double pirogue polynésienne faite pour la haute mer. A l’issue d’essais réussis, il décide de quitter le Pacifique et de rentrer en France en passant par le Cap de Bonne-Espérance. Parti d’Hawaï le 7 mars 1937, ils arrivent à Cannes le 23 mai 1938 après plus de 13 mois de navigation sans aucun moyen de navigation moderne existant à l’époque. Le voyage est emaillé de nombreux incidents pour cause de mauvais temps entrainant des voies d’eau, gréement endommagé, perte d’un gouvernail etc. De cette expérience incroyable, il publie l’ouvrage Kaimiloa.
Un mauvais choix politique
En 1939, il entreprend la construction d’un nouveau bateau, le Kaimiloa-Waikea, un trimaran cette fois-ci. Le projet est de retourner dans le Pacifique sud en passant par le canal de Panama. Malheureusement, le trimaran est détruit dans une tempête dans les îles Canaries. L’équipe reste dans les îles quelques mois, le temps de régler les problématiques liées à l’accident. Rentré en métropole, Bisschop souhaite retourner en Polynésie, mais son choix politique de choisir la France du maréchal Pétain pose problème : le territoire a choisi la France Libre du général de Gaulle. Avec sa femme, ils reviennent à Honolulu en 1941 où Bisschop devient agent consulaire français sur ce territoire américain. Le couple défend alors les intérêts de la France occupée.
Mais la situation évolue vite. Quelques jours après l’attaque de Pearl Harbor par les Japonais et les déclarations de guerre qui s’ensuivent, Bisschop est arrêté par les Américains qui le considèrent comme un allié des régimes allemand et japonais. Il est incarcéré quelques jours et perd ses accréditations d’agent consulaire. La période qui s’ensuit est difficile à vivre pour le couple. Ses positions pétainistes deviennent de plus en plus compliquées à tenir au fil des années sur un territoire américain au vu de l’avancée des alliés en Afrique puis sur le continent européen. Il achète une jonque avec laquelle il va réaliser des transports de fret dans les îles aux alentours.
La dernière expédition
En 1947, il part s’installer à Tahiti où il exerce des activités de commerce. Il découvre la célèbre expédition du Kon Tiki : une tentative de rejoindre les îles polynésienne depuis l’Amérique du Sud en radeau. L’objectif était d’expliquer le peuplement de l’Océanie depuis le Pérou avec un radeau de troncs de balsa. Bisschop décide de faire le trajet en sens inverse à la différence et fait construire un radeau équivalent auquel il rajoute une cabine étanche permettant d’abriter le matériel destiné à la réalisation de son expédition : photographique, météorologique et radio. Le 8 novembre 1956, l’équipe s’élance de Papeete en Polynésie française pour rejoindre l’Amérique du Sud. Après une première escale afin de rajouter des bambous et un dernier ravitaillement par une vedette de la marine française, l’expédition se dirige plein est. Les morceaux de bambous se décrochent peu à peu si bien qu’ils demandent une assistance à la marine chilienne non loin du but et abandonnent le radeau le 26 mai 1956.
Ils arrivent au Chili et reçoivent un bon accueil. Mais pour Bisschop, c’est un échec cuisant si près de l’objectif. Sur place, il souhaite retourner en Polynésie avec un nouveau radeau de sa conception : avec du bois de cyprès. Une nouvelle équipe est formée et le nouveau départ s’effectue le 15 février 1958 depuis Constitution. Malheureusement, l’équipage n’arrive pas à accoster sur les îles Marquises. Le radeau connaît des problèmes de flottabilité et s’enfonce peu à peu à mesure que le temps passe malgré les allègements de tout ce qui était possible. L’équipage construit en toute hâte un nouveau radeau avec les bidons qu’ils ont à bord. Bisschop est malade et l’ensemble de l’équipage souffre de manque de nourriture et de manque d’eau. Le radeau arrive en vue des îles Cook le 30 août 1958 et s’approche de la terre ferme jusqu’au moment où le radeau chavire. Éric de Bisschop reçoit un coup de bois sur la tête et décède brutalement. Ses compagnons d’infortune parviennent à ramener son corps sur la terre ferme. L’équipage est ramené pour un ultime voyage à Papeete avec le cercueil de leur camarade d’expédition, infatigable aventurier, payant de sa vie la poursuite de ses rêves.
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