Étienne de Silhouette est un philosophe, homme politique et diplomate français du XVIIIe siècle. Ministre des finances éphémère de Louis XV, son nom s’est vu banni de l’Histoire de France lorsqu’il a voulu faire payer des taxes à la noblesse et aux financiers de l’époque.
Supprimer des privilèges financiers et réformer un État proche de la banqueroute, voici le pari insensé d’Étienne de Silhouette. Comme Scotch, Frigidaire, Rustin (rustine) ou encore Kleenex, Silhouette fait partie des rares personnes et marques dont le nom propre est devenu un nom commun.
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Né le 5 juillet 1709 à Limoges, Étienne de Silhouette est le fils d’Arnaud de Silhouette, receveur général des impôts. Il fait ses études au collège jésuite de Sainte-Marie et découvre l’œuvre de Confucius qui le marquera toute sa vie. À l’âge de 20 ans, il publie son premier ouvrage consacré à la philosophie du penseur chinois : Idée générale du gouvernement et de la morale des Chinois tirée des ouvrages de Confucius.
Voyageur, diplomate et espion
Le jeune aristocrate sillonne ensuite pendant un an la France et l’Italie, où il rencontre le pape Benoît XIII. Il voyage également en Espagne d’où l’un de ces ancêtres a rejoint la France et francisé son nom de Zuloeta en Silhouette. En Catalogne, il découvre les ravages de la révolte du peuple contre les hausses d’impôts. Il en déduira de la nécessité de la réforme fiscale en France afin de ne pas tomber dans la guerre civile comme son voisin du sud.
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Très rapidement, il est envoyé par le secrétaire d’État aux Affaires étrangères, Germain-Louis Chauvelin, marquis de Grosbois, en mission diplomatique à Londres où il rédige des notes économiques et militaires, renseignant sur l’état de l’armée anglaise. Devenu officier traitant rattaché à l’ambassade de France au Royaume-Uni, il quitte le pays en 1741.
Un humaniste
Ses prises de positions qui nient le fatalisme du péché originel lui attirent des ennuis de la part de l’Église. Néanmoins, cela lui permet de passer de l’ombre à la lumière et de lui ouvre les salons parisiens où de grandes personnalités le soutiennent. Proche de la favorite de Louis XV, Madame de Pompadour, Silhouette devient Commissaire général auprès de la compagnie des Indes, puis chancelier de la maison d’Orléans.
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En mars 1759, il est nommé contrôleur général des finances royales, véritable poste clé dans un État où les finances sont au plus bas. Silhouette veut frapper fort et milite pour la suppression des dépenses qu’il juge inutiles, en premier lieu certaines rentes indues de la noblesse. Il met en place une taxation des « privilégiés ». En quelques semaines, il réduit les déficits de l’État, au plus grand soulagement du peuple et de son roi.
Un ministre condamné à l’oubli
Malheureusement, sa manière de faire est jugée très sévèrement par la cour qui refuse de s’acquitter des nouvelles taxes. Même Voltaire, qui le soutenait quelques temps auparavant, se désolidarise de lui et se range du côté de la noblesse et des milieux financiers qui organisent son éviction. En novembre 1759, c’est chose fait. Silhouette démissionne.
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Mais son départ ne suffit pas à ses détracteurs. Ces derniers mettent en place une campagne d’effacement de son nom dans les mémoires et de ridiculisation. Avec des pamphlets et des chansons diffusées en France et en Europe, le nom propre de Silhouette tend à devenir un nom commun à caractère péjoratif. Quelques mois après son évitement du pouvoir, il acquiert en 1769 le château de Bry qu’il reconstruit. Baron local, il applique la politique qui lui a été refusée à l’échelle nationale. Il construit des greniers à blé collectifs pour lutter contre les conséquences des mauvaises récoltes, rénove l’église locale et organise la vie de la cité. À son décès en 1767, sa fortune, ainsi que celle de sa femme, sera léguée aux pauvres conformément à sa volonté.
Personnage inconnu, l’écrivain Thierry Maugenest lui accorde une biographie : Étienne de Silhouette : le ministre banni de l’histoire de France en 2018.
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