Eugène-François Vidocq est un militaire, aventurier, délinquant et détective privé français. Fin connaisseur du monde des bagnards, il dirigera par la suite la brigade de sûreté de la ville de Paris avant de monter son cabinet de détective privé.
Il n’est pas rare que la vie réserve son lot de surprises. Faire ainsi des métiers radicalement différents à quelques années d’intervalle peut suivre une certaine logique. Après tout, qui connaît mieux le monde de la délinquance, qu’un délinquant lui-même ? Entre amour et haine d’un côté et ami et ennemi de l’autre, il n’y a souvent qu’un pas. Pour autant, les archives de la préfecture de police de Paris le concernant ayant brûlé lors de la Commune, il est difficile de démêler le vrai du faux. Les mémoires de Vidocq peuvent être ainsi pour une partie romancée.
Une jeunesse agitée
Né le 24 juillet 1775 à Arras, Eugène-François Vidocq grandit dans une famille de boulanger de petite bourgeoisie. Indiscipliné, le jeune Vidocq se révèle un garçon rusé et bagarreur. Sa morphologie impressionnante intime le respect auprès des garçons de son entourage. Très vite, il devient voleur et s’approprie les couverts en argent de ses parents. Son premier larcin le conduira dans une maison d’arrêt pour jeunes délinquants. Il recommence quelques années plus tard et part à 16 ans avec les recettes de la boulangerie de son père en direction de la Belgique avec pour objectif gagner les États-Unis. La dure réalité le rattrape et il se retrouve dépouillé de tout l’argent qu’il avait volé. Désormais sans rien, il parvient à trouver du travail chez quelques commerçants locaux avant de finalement rentrer à Arras chez ses parents.
De bagnard à indicateur de police
De retour chez lui, il sollicite le consentement de son père pour s’engager dans l’armée. La vie de régiment et les relations avec son supérieur l’amènent à déserter et à rejoindre un régiment de chasseurs. Il combattra à la bataille de Valmy et celle de Jemappes avant d’être finalement renvoyé de son régiment à cause de son comportement. Il se marie en 1794 mais quitte rapidement sa femme en lui volant ses économies et mène une vie d’escroc dans le nord de la France. Il est finalement arrêté et condamné en 1796 (il a 21 ans) à 8 ans de travaux forcés, pour « faux en écritures publiques et authentiques ». Emprisonné au bagne de Brest, il parvient, après deux tentatives infructueuses, à s’évader. Rattrapé deux années plus tard, il est envoyé au bagne de Toulon d’où il s’échappe après quelques mois, lui permettant d’acquérir une renommée dans le milieu des bagnards.
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Arrêté de nouveau en 1809, il cherche à aménager sa peine. Il décide alors de renseigner la police sur le milieu des bagnards, en particulier ceux de la prison de Bicêtre et de La Force. En 1811, le préfet de police Pasquier se laisse convaincre par son adjoint d’embaucher Vidocq dans la nouvelle brigade de sûreté composée d’anciens bagnards. Leur mission ? S’infiltrer dans le milieu hostile des repris de justice et prévenir de tout acte illégal. Bien que les résultats de cette brigade soient excellents, le profil multirécidiviste de ses membres contribue à la mauvaise réputation de la police. Eugène-François Vidocq est propulsé à la tête de cette unité qu’il dirige d’une main de fer. Mais ses excellents succès lui valent autant d’admirateurs que de détracteurs. Outre ses méthodes qui lui sont propres, ses résultats rendent jaloux un certain nombre de policiers.
De policier à détective
Bien que travaillant pour la police depuis 1811, ce n’est qu’en 1818 que le roi de France Louis XVIII le gracie et lui rend officiellement ses droits civils. La vie dans la police est dure et ses ennemis se trouvent aussi bien dans le monde de la délinquance que dans les cercles de pouvoir qui font pression pour obtenir sa tête. En 1827, à la suite d’un scandale, il démissionne et profite de sa fortune, acquise, selon ses détracteurs, de manière douteuse. Avec celle-ci, il s’installe à Saint-Mandé, invente le papier infalsifiable et crée une usine à papier, entreprise qui le ruinera. En 1832, il est rappelé à la tête de la brigade de sûreté mais démissionne quelques mois plus tard, accusé d’être en partie responsable de la répression républicaine en ayant dirigé des bandes chargées d’intimider des ennemis de l’État. Le préfet ne souhaitait plus faire la « police des voleurs avec des anciens voleurs ».
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De retour à la vie civile, il fonde un cabinet de détective privé dont l’objectif est de fournir pour ses clients des renseignements économiques dans des affaires de successions, de disparitions, d’adultères mais aussi d’escroqueries. Avec des affaires qui tournent bien, Vidocq prend part à la vie mondaine de la capitale. Malheureusement pour lui, les affaires d’escroqueries le rattrapent. En 1837, une décision de justice l’oblige à fermer et Vidocq est envoyé en prison où il y reste un an. Presque ruiné, il part pour Londres en 1845 pour y donner des conférences payantes et faire part de ses créations, notamment son papier infalsifiable. De retour en France, Vidocq reprend du service dans les renseignements en 1848 après la Révolution et se laisse enfermer à la Conciergerie. Après une première infection au choléra à laquelle il survit en 1854, Eugène-François Vidocq décède dans son appartement parisien du 11ème arrondissement le 11 mai 1857 après avoir été paralysé des jambes.
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