Jean l’Herminier : un officier de marine qui refusa le sabordage de la flotte en 1942
Publié le 31/03/2022
Jean l’Herminier est un officier de marine français. Il est particulièrement connu pour avoir refusé le sabordage de son sous-marin lors de l’arrivée des troupes allemandes à Toulon en 1942.
A chaque époque, il y a des héros voire des légendes. Dans le monde des sous-mariniers durant la Seconde Guerre mondiale, le commandant Jean l’Herminier fait bonne figure.
Né le 25 janvier 1902, Jean l’Herminier grandit dans une famille de marins en Bretagne, dans le Finistère. A la mort de sa mère en 1907, il part vivre chez son oncle instructeur à l’École Navale à Brest où il peut admirer très jeune la flotte française à quai dont les sous-marins. La suite sonne (presque) comme une évidence. Il effectue sa seconde au lycée Stanislas à Paris, sa première à Saint-Brieuc et sa terminale de nouveau à Paris. Après avoir échoué une première fois au concours d’entrée de Navale, l’Herminier intègre l’école en 1921 et demande à servir dans son domaine de prédilection : les sous-marins.
Une carrière prestigieuse
En 1932, il est affecté comme commandant en second sur le nouveau sous-marin de 1500 tonnes Le Persée. Alors que le submersible effectue des essais en mer au large de Cherbourg, l’Herminier est grièvement blessé lors d’une violente explosion à bord le 23 septembre suite à un problème moteur. Bien que souffrant de brûlures, c’est en tant que second qu’il coordonne l’arrivée des secours. Le drame fera pas moins de 6 morts et de 36 blessés. Cette action lui vaudra d’être décoré de la légion d’honneur.
En 1934, il commande son premier submersible, un sous-marin de 600 tonnes. Au début de la guerre, il est officier de manœuvre à bord du croiseur Montcalm et participe à l’évacuation de troupes alliées à Namsos lors de l’opération Hammer en Norvège. Restant loyal au gouvernement français, il fait partie de l’armée d’armistice. Dans ce cadre, il participe à la defense de Dakar contre une opération des Britanniques et des Français Libres en septembre
Le sabordage de la flotte française
Jusqu’en novembre 1942, seule la moitié de la France est occupée par les Allemands. La zone dite «libre» est administrée par le gouvernement français, en accord avec l’occupant. Suite au débarquement anglo-américain en Afrique du nord au début du mois, les troupes allemandes envahissent la zone non occupée. Un objectif figure dans le plan de bataille : saisir la flotte française qui permettrait avec les alliés italiens la maîtrise de la mer Méditerranée et sécuriser davantage le ravitaillement des forces de l’axe en Afrique du nord.
Le 11 novembre, les troupes allemandes franchissent la ligne de démarcation. L’Etat-major français ayant compris la manœuvre a ordonné aux autorités de mettre tout en œuvre afin que cette flotte ne tombe dans les mains ennemies. Lorsque les Allemands sont aux portes de Toulon, la quasi-totalité de la flotte se saborde pendant que les futurs occupants tentent d’empêcher le départ des bâtiments restants. L’Herminier qui vient de recevoir le commandement du sous-marin de 1500 tonnes doit choisir. Son submersible fait partie de l’armée d’armistice et dispose à cet effet de l’ensemble des équipements et ravitaillement nécessaire pour partir en mer. Dans ce cadre, l’Herminier ne rendait pas systématiquement l’excédent de fuel accordé pour faire des essais en mer en jouant sur les robinets de contrôle. Il a placé son sous-marin de manière à ce que la proue soit face à la mer, pour faciliter le départ et que les hommes dorment à bord.
La fuite
Contrairement aux bâtiments de surface, les sous-marins ont la capacité d’appareiller rapidement. Les ordres sont clairs. Néanmoins, l’Herminier, ses officiers et son équipage voulaient tous reprendre le combat face aux Allemands, mais espéraient en recevoir l’ordre du gouvernement français. Le commandant avait une certitude : il ne coulerait pas son sous-marin dans le port, où il serait trop facile à renflouer.
Dans tous les cas, il fallait sortir. Probablement, pour se battre au large de la France, sur ordre du gouvernement français reprenant le combat après l’agression allemande. Sinon, en se sabordant en haute mer si le Casabianca n’était plus en état de combattre. Et sinon, en partant rejoindre la France libre dans le cas où la France « officielle » ne réagirait pas à cette attaque allemande.
L’ordre de l’appareillage est donné mais en urgence. La casquette de l’Herminier restera sur le pont. Sous les bombes et au milieu des mines et des filets le Casabianca appareille en catastrophe. L’objectif est clair : gagner Alger et se mettre à disposition pour participer à la libération de la France. Le sous-marin est accueilli en héros.
Une santé très fragile
Malgré sa santé qui demeure fragile, le commandant l’Herminier participe à des missions spéciales en Corse et livre avec le Casabianca des armes pour la résistance. A partir de septembre 1943, le sous-marin débarque une compagnie de commandos français à Ajaccio qui deviendra la première ville libérée de l’île de Beauté. Mais la santé de l’Herminier se fragilisant de plus en plus, il devient difficile de continuer à cacher la gravité de celle-ci à sa hiérarchie militaire. Sa maladie empêchait son sang de bien irriguer ses jambes.
Alors que la Corse vient d’être totalement libérée grâce à son action, l’Herminier est hospitalisé. Les médecins pensaient encore pouvoir sauver la jambe et l’Herminier, dans ses pires scénarios, se voyait avec une jambe de bois (et l’autre valide). Ils tentent tout pour sauver les deux jambes et croient avoir gagné quand la gangrène se déclare dans l’une. Ils ont à peine fini de l’amputer que le mal attaque l’autre et qu’il faut faire une troisième opération et une seconde amputation.
Le général de Gaulle viendra lui remettre l’insigne de commandeur de la Légion d’honneur le 10 décembre 1942 sur son lit d’hôpital à Alger. L’Herminier s’envole aux États-Unis pour continuer ses traitements jusqu’en 1946. Durant cette période, il reste au service actif à titre exceptionnel en raison de ses brillantes années de service. Rentré en France, il commence une vie d’écrivain et de conférencier à travers la France. Sa santé continuant de décliner, le capitaine de Vaisseau Jean l’Herminier décède le 7 juin 1953 à l’âge de 51 ans.
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En 2021, Isabelle de Saizieu, auto-éditeur, a publié : » Jean L´Herminier – Une vie de combats » un livre de 240 pages dont la petite revue « Plaisir de Lire » nous dit :
C’est une page méconnue de l’histoire de France que nous offre ici Isabelle de Saizieu ; c’est aussi la biographie d’un homme qui fut un héros en accomplissant son devoir d’état quotidien avec foi, enthousiasme, sens du devoir et amour de son pays.
Formé au courage et à la franchise par son père, médecin de la marine, ayant perdu très jeune sa maman, Jean sera éduqué avec ses cousins dans une ambiance familiale et affectueuse sur la côte bretonne. La carrière d’officier de marine est évidente pour lui. Il s’y illustrera, en particulier quand il s’évadera en 1942 de la rade de Toulon, avec son équipage, à bord du CASABIANCA. Il restera toute sa vie un meneur d’hommes malgré une double amputation. Un exemple pour notre jeunesse !
POUR QUI CE LIVRE ? : Pour tous et dans toutes les bibliothèques ; un exemple pour l’éducation de nos enfants. A partir de 15 ans mais aussi pour les adultes.
[ Plaisir de Lire, littérature et vie chrétienne, trimestriel dirigé par Marie de l’Aubier. numéro 198, mars 2022. Vous pouvez demander un spécimen à l’adresse : 57 route Nationale – 80160 – Flers-sur-Noye ]
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