Si depuis quelques années la chasse est devenue un sujet tabou dans nos sociétés occidentales, il ne faut pas oublier que cette activité, d’abord nourricière, relève de la tradition en Europe. Tradition que les artistes ont honorée au cours des siècles par des créations aussi originales que raffinées.
Activité définissant l’homme dans son milieu naturel, la chasse s’est affirmée depuis fort longtemps en France comme une habitude culturelle. François Ier, grand amateur de chasse, avait créé les capitaineries (réserves de chasse autour des résidences royales). Être invité du roi pour les chasses royales était un grand privilège accordé à quelques dizaines de personnalités tout au plus. C’est sous son règne puis sous celui du Roi Henri II que les équipages royaux atteignirent une dimension conséquente, conservée jusqu’au règne de Louis XVI. A Chambord, Fontainebleau ou encore Villers-Cotterêts, François Ier bâtit de vastes demeures situées dans les forêts dans lesquelles il aimait chasser. Le roi, comme les autres chasseurs, appréciait vivre au quotidien avec des objets lui rappelant sa passion pour la chasse. De nombreux artistes ont collaboré à cette envie de voir le sujet de l’animal de chasse se transformer en motif décoratif. Un décor appliqué à tous les arts au cours des siècles.
François Ier commande à Benvenuto Cellini (1500-1572), un artiste italien, un tympan pour l’entrée principale du domaine royal de Fontainebleau. Il s’agit d’une sculpture en bas-relief qui représente une nymphe allongée au milieu des animaux de la forêt : des faons, des sangliers ainsi que des braques et lévriers. Le motif proéminent est une tête de cerf, emblème du roi, sur lequel la nymphe s’appuie. Le cerf représente la Prudence et l’Agilité, et par là même flatte le roi ainsi représenté.
Sous Henri IV est créé le jardin de la Reine (actuel jardin de Diane) à Fontainebleau que ceinturent de nouvelles constructions supportées par des arcades. A l’Est, une galerie superposée, dont celle du Rez-de-chaussée, appelée Galerie des Cerfs, tient lieu de salle de banquet après la chasse. Les murs sont ornés de trophées de cerfs pris à l’occasion des laisser-courre royaux et d’une gigantesque peinture de Louis Poisson (?- 1613) représentant les grands domaines princiers ou royaux.
Louis XV avait le même rapport à la chasse qu’aux femmes : y passer beaucoup de temps. Alors que Louis XIV économisait en empruntant les équipages des autres et ceux de son fils notamment, Louis XV avait onze équipages de vénerie pour lui tout seul. Il commanda à Bachelier (1724-1806) et à Oudry (1686-1755) des massacres pour décorer Fontainebleau.
Jean-Baptiste Oudry, est un peintre de renom formé par Nicolas de Largillière (1656-1746), qui abandonne le portrait pour la représentation animale. Il exécute pour le roi Louis XV une série de tableaux représentant ses chiens préférés (une partie de ces tableaux sont conservés dans l’appartement du Pape à Fontainebleau). Peintre ordinaire de la vénerie royale, Oudry suit les chasses royales et fait de fréquentes études dans la forêt de Compiègne. Il réalise même des cartons pour la série de tapisserie Les Chasses royales, exécutée à partir de 1733 à la Manufacture des Gobelins.
Le chasseur étant un fin gastronome, les arts de la table ne font pas exception à cette mode décorative. C’est ainsi que l’orfèvre de renom Jacques Roettiers (1707-1784) réalisa en 1736 pour le Duc de Bourbon un extraordinaire surtout de table en argent dans le pur style rococo. La pièce décorative en argent fondu et ciselé met en scène un hallali de cerf et un loup pris au piège. Outre les orfèvres, la manufacture de Porcelaine royale de Sèvres comme les faïenceries régionales ornent le fond de leurs assiettes de motifs de chasse. Les terrines en forme de lièvre se développent.
Avec l’abolition des privilèges, dont la chasse faisait partie, la bourgeoisie goûta aux plaisirs de la chasse et se familiarisa avec le décor cynégétique. Les intérieurs bourgeois se parèrent de toile de Jouy aux attributs animaliers, de papiers peints de la maison Zuber, de gravures de chasse comme celles de Carle Vernet (1758-1836). Le XIXe siècle voit éclore l’âge d’or de la sculpture animalière avec des artistes de renom comme Antoine Louis Barye (1796-1875) ou Pierre-Jules Mène (1810-1879). Le premier assista avec Eugène Delacroix (1798-1863) à une séance de dissection d’une lionne en 1829, ce qui permit de savoir dessiner et modeler parfaitement les muscles saillants du lion. Barye prenait des mesures, alors que Delacroix plus romantique dessinait un rendu, une impression, sans prise de mesures (Etude de Lion écorché).
Outre le décor et les arts de la table, il convient de mentionner l‘existence d’un réel travail d’artiste encore vivant en ce qui concerne les tenues d’équipages, notamment en ce qui concerne les boutons. L’artiste Emmanuel Frémiet (1824-1910) en a réalisé d’uniques pour Paul Rattier.
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