Des habitants de Montargis tentent de sauver la caserne Gudin de sa destruction par un promoteur immobilier pour y installer une résidence senior.
A Montargis, dans le Loiret, la résistance s’organise pour sauver une caserne militaire du XIXème siècle. Construite en 1876, la caserne Gudin porte le nom du général Charles Étienne Gudin, proche de Napoléon et originaire de Montargis. Infanterie, génie, transmission, la caserne voit passer divers régiments durant le XXe siècle.
Prévue pour regrouper 3 000 hommes, son activité rythme la vie des habitants. En 1994, la caserne Gudin est transformée en école de transmission pour l’Armée, jusqu’en 1995, date à laquelle s’installe une école de gendarmerie jusqu’en 2009. Inoccupée depuis, l’État s’en sépare officiellement en avril 2019 au profit de l’Agglomération montargoise.
Un projet de résidence senior
En 2019, le président de l’Agglomération montargoise Frank Supplisson soumet au vote une promesse de vente de la caserne Gudin au groupe Nexity « pour un euro symbolique ». Le promoteur immobilier prévoit de réhabiliter une partie de la caserne afin de la transformer en résidence senior. Un cabinet d’architecte est même consulté afin d’intégrer l’ensemble des structures existantes dans le projet. Pourtant, au mois d’octobre 2020, Nexity dépose son permis de construire. Celui-ci indique que le bâtiment principal sera détruit.
« On nous a affirmé que le patrimoine sera préservé et que personne ne détruira le bâtiment de l’horloge », dénonce Alphonse Proffit, président de la liste Engagement citoyen pour le Montargois (ECM) et ferveur défenseur de la caserne. « Nous avons constaté dans le dossier que l’architecte des bâtiments de France est contre le projet. En plus du bâtiment de l’horloge, Nexity prévoit de démolir des bâtiments qui ne faisaient même pas parti du projet initial. »
Recours administratif
Apres avoir découvert le permis de construire, les défenseurs de la caserne écrivent au conseil communautaire de Montargis. L’objectif est de sensibiliser ses membres sur le fait que le projet Nexity prévoit de détruire des bâtiments pour lequel ils n’ont pas signé. Le même jour, le président d’Agglomération dépose un permis de demande complémentaire prenant en compte ces changements. « Cela a été fait sans en informer qui que ce soit », précise Alphonse Proffit. Le maire de Montargis, Jean-Paul Billault, valide le 03 mars 2021 le nouveau permis de démolir.
Mais les défenseurs de la caserne n’en restent pas là. Un recours contre le permis de construire est déposé et une demande d’instruction à la Direction régionale des Affaires culturelles (DRAC) a été soumise. Une lettre a été envoyé à Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, pour demander qu’une instance de classement soit mise en place afin de définir le niveau de protection adéquat. Une pétition a également été mise en ligne. Actuellement, un premier recours administratif avec comme co-requérant la Société pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de la France (SPPEF) – Sites & Monuments, bloque provisoirement le projet de démolition. « La SPPEF, certains élus et nous-mêmes avons été menacé par Nexity de nous attaquer en justice individuellement pour demander une réparation du préjudice lié au retard du projet » témoigne le président d’ECM.
Une caserne historique
La caserne Gudin fait partie d’un vaste projet de construction d’enceinte militaire peu après la chute du Second-Empire. Plus d’une centaine de casernes aurait vu le jour sur l’année 1874-1875. Une partie d’entre elles a été détruite, d’autres ont été défigurées ou réhabilitées tandis que d’autres sont tout simplement laissées à l’abandon. « Aucune de ces casernes ne bénéficie pour le moment de régime de protection au titre de monument historique », continue Alphonse Proffit. « La problématique de la sauvegarde des casernes commence à se faire ressentir partout en France, comme celle de Méribel à Verdun ». Avec 3 bâtiments principaux imposants dont celui de l’horloge et une place d’armes de 100 mètres de côté, la caserne Gudin a conservé jusqu’à aujourd’hui son organisation originelle.
Mort durant la campagne de Russie en 1812, le personnage à qui la caserne doit son nom a été retrouvé en 2019 à Smolensk par une équipe de chercheurs. Décédé dans les bras de Napoléon, celui-ci a ramené son cœur en France mais a laissé son corps sur place. Réputé pour être le seul à pouvoir tutoyer l’Empereur sur le champ de bataille, le général de division Charles-Étienne Gudin aurait dû être inhumé aux Invalides à Paris le 5 mai 2021, lors du bicentenaire de Napoléon Ier. Une occasion de faire avancer la cause de la caserne Gudin de Montargis ? Très probablement.
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