Faillite de Thomas Cook : quel avenir pour les agences de voyage ?

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Un avion de la compagnie aérienne britannique Thomas Cook Airlines UK au décollage à l'aéroport de Manchester en 2019. ©Riik@mctr / Flickr

Un avion de la compagnie aérienne britannique Thomas Cook Airlines UK au décollage à l'aéroport de Manchester en 2019. ©Riik@mctr / Flickr

Vouées à une disparition certaine avec la montée en puissance des réservations en ligne, les agences de voyages sont toujours là. Si la faillite de Thomas Cook et l’actuelle crise du Covid-19 viennent rappeler leur fragilité, les séjours « clé en main » gardent une réelle attractivité, comme le prouve notamment le succès des box.

 

Né en 1841, le plus vieux voyagiste du monde s’est déclaré en faillite le 23 septembre 2019. Thomas Cook rassemblait un tour-opérateur, une compagnie aérienne, 2 600 agences de voyages, 200 hôtels… et 89 avions. Le groupe britannique employait 22 000 salariés dans 15 pays et transportait 20 millions de voyageurs chaque année aux quatre coins du monde. Il est aujourd’hui démantelé.

Sa filiale française, employant un millier de salariés, s’appuyait sur la marque Jet tours, rachetée au Club Med en 2008. Un tour-opérateur considéré comme le 5e voyagiste de l’Hexagone, avec plus de 300 000 clients par an et des voyages à forfaits distribués dans plus de 2 500 agences. Quant à l’enseigne Thomas Cook, elle comptait 180 agences en propre, dont 150 ont été reprises par différents concurrents comme Havas Voyages, Promovacances ou Salaün Holidays.

 

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La faillite de Thomas Cook est due avant tout à une dette abyssale qui a continué à se creuser ces dernières années. La crise de 2008, le Brexit, la chute de la livre et la désaffection des consommateurs britanniques ont pesé sur les comptes. Mais le marché du tourisme n’est pas en crise, il continue à augmenter et représente plus de 12 % du PIB mondial. Selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), le nombre de touristes a augmenté de 6 % en 2018, pour atteindre 1,4 milliard de personnes à l’échelle du globe. Les études montrent également que les Français sont de plus en plus nombreux à partir et sont prêts pour cela à sacrifier d’autres dépenses.

 

Un modèle inadapté aux évolutions ?

La faillite de Thomas Cook pose donc la question de l’adaptation de son modèle aux évolutions des modes de consommation et de distribution des produits touristiques. Un modèle remis en question par l’essor des agences de voyages en ligne, comme Booking et Expedia, et par l’arrivée disruptive d’Airbnb.

Selon le dernier baromètre Opodo/Raffour Interactif, la montée en puissance de la réservation via Internet se confirme. 55 % des vacanciers y ont recouru en 2018, soit 2 % de plus qu’en 2017, et alors qu’ils n’étaient encore que de 18 % en 2005. Au sein du groupe Voyageurs du Monde, spécialiste des voyages haut de gamme sur mesure, la part de l’activité réalisée en agence ne fait que baisser depuis dix ans et ne représente plus que 20 % des ventes.

 

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Le secteur est en pleine mutation. De plus en plus, les touristes veulent organiser eux-mêmes leur séjour. Ils veulent un voyage à la carte où ils choisissent leur moyen de transport, leur hébergement et leurs activités. Finis les circuits balisés et les produits standardisés, les consommateurs veulent des expériences sur mesure. Selon une étude de Future Thinking France pour Le Quotidien du Tourisme, 68 % des Français séjournant en hébergement marchand à l’étranger organisent eux-mêmes leur voyage, en achetant séparément chaque prestation.

Pour ces voyages non-packagés, les sites des compagnies aériennes et des plateformes d’hébergement l’emportent largement. Les agences traditionnelles ont perdu la bataille de la distribution des vols secs et des produits hôteliers de base. Leur clientèle serait-elle pour autant en voie de disparition ? Non, car 40 % des touristes français ont quand même acheté au moins un séjour packagé ou « tout compris » au cours des trois dernières années. Et 81 % d’entre eux l’ont fait en passant par des agences, physiques ou online. Thomas Cook lui-même, avant sa faillite, avait réussi à vendre 11 millions de vacances à forfait tout compris en 2018.

 

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Le succès des box voyage, qui ne se dément pas depuis plusieurs années, témoigne également de la réelle attractivité que conservent les séjours « clé en main ». Cela est possible à condition de pouvoir proposer une gamme très large de thématiques et de possibilités de voyage, de savoir s’adapter aux nouveaux goûts et aux nouvelles envies des consommateurs et de faire preuve de créativité dans les offres, comme le fait par exemple Wonderbox, leader du segment en France.

 

Les agences physiques font mieux que résister

Il y a quelques années, certains spécialistes allaient jusqu’à prédire la fin prochaine des agences de voyages. Mais cette disparition annoncée n’a pas eu lieu. Même aux Etats-Unis, les agences sont toujours là. Selon une étude américaine de Phocuswright, elles continuent même à gagner des parts de marché sur certains segments en croissance, comme les ventes de forfaits et de croisières. Deux spécialités où les agences classiques trustent les deux tiers du volume d’affaires.

 

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En France, le nombre d’agences physiques, estimé à 17 300, est en légère augmentation. Des groupements comme Sélectour et Tourcom sont toujours dynamiques. Les réseaux intégrés comme ceux du groupe TUI évoluent. Havas Voyages occupe toujours une place importante. Les agences du groupe Salaün progressent fortement. Et le réseau détenu par Thomas Cook a été repris presque entièrement par ses concurrents, preuve que les agences ont toujours de l’avenir.

Le Chinois Trip.com, 2e plus importante agence en ligne du monde, a d’ailleurs créé plus de 8 000 agences physiques dans son pays. Parce que les taux de conversion sont de 40 % dans les agences physiques alors qu’ils plafonnent à 10 % pour les ventes online… Et que les points de vente permettent également de servir les populations âgées, moins disposées à acheter sur le Net.

 

Quelle valeur ajoutée pour les agences ?

Les agences résistent donc d’autant mieux à la désintermédiation qu’elles s’inscrivent dans une logique omnicanale, modernisent et connectent leurs points de vente, intègrent Internet dans leur stratégie de développement autour des concepts de multicanal et de web-to-store. Qu’elles soient intégrées à de grands groupes de tourisme mondiaux (TUI), à des enseignes de grande distribution (Leclerc, Carrefour) ou regroupées en coopérative comme Selectour, elles se sont dotées d’une véritable identité numérique.

 

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Les atouts des agences de voyage résident dans les services qu’elles peuvent apporter : assurer un transfert, être joignables lorsque le client est sur place, trouver des solutions en cas d’annulation de vol ou lorsque la chambre d’hôtel ne correspond pas à ce qui était prévu… Le gain de temps et la personnalisation apparaissent également comme des apports reconnus des agences, tout comme, dans une moindre mesure, la garantie de la qualité des prestations et la reconnaissance d’un savoir-faire pour les séjours compliqués.

Mais l’image de l’agence de voyages reste encore floue pour les Français, qui considèrent en majorité que faire appel à une agence revient plus cher qu’acheter ses prestations soi-même. L’avenir des agences réside donc dans leur faculté à faire valoir leur valeur ajoutée et leur expertise tant en termes de services que d’originalité. Elles pourront peut-être faire preuve de leur efficacité au cours des prochains mois à moins que la crise sanitaire ne perdure et que la pression économique ne soit finalement trop forte pour de nombreuses agences dans l’incapacité de travailler. Une fois un écueil dépassé, un autre plus dangereux encore peut barrer la route…

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