Immobilier de l’État : un patrimoine colossal sous-exploité
Publié le 08/03/2025

Le 14 janvier, François Bayrou a annoncé vouloir se séparer d'une partie du patrimoine immobilier de l'État pour réformer celui-ci. ©Laurent Grassin
Le parc immobilier de l’État français est le plus vaste d’Europe. Levier clé pour moderniser l’action publique, sa gestion reste entravée par une connaissance insuffisante de ses biens et par une organisation fragmentée.
Un patrimoine conséquent qui rendrait jaloux les propriétaires. Dans un rapport de l’Assemblée nationale publié en juin 2024, l’ancien député Mohamed Laqhila (Modem) analyse le patrimoine de l’État français. L’ampleur et la diversité de ce parc immobilier est impressionnant : 96 millions de mètres carrés, 195 000 bâtiments et 31 000 terrains. En baisse de 5, 2 % entre 2013 et 2023, il représente 17,4 % du sol français.
Un parc immobilier vaste, mais une connaissance à approfondir
L’État français possède ainsi des actifs considérables plus important que ses autres voisins européens et au secteur privé mais moindre en proportion. En comparaison, notre voisin allemand possède 60 millions de mètres carrés (16,8 % de sa surface), et les Pays-Bas 11,7 millions de mètres carrés soit 28,2 % de sa surface.
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Cet immobilier de l’État, évalué à plusieurs centaines de milliards d’euros, est composé de biens très variés : immeubles de bureau (24 % du parc), de bâtiments d’enseignement (21 %) et de logements (19 %). Une partie de cette richesse est concentrée autour de quelques ministères, notamment celui assurant la Défense nationale (26 %), de l’Enseignement (26 %) et de l’Intérieur (16 %).
Depuis 2009, les services de l’État ont développé le système d’information de l’immobilier de l’État (SIIE) dont l’objectif est de centraliser les données relatives à ce patrimoine. « Selon la Cour des comptes, le SIIE comptait 9 355 utilisateurs début 2023 » précise le rapport. Cet outil offre une vision globalement exhaustive du parc immobilier, mais des lacunes subsistent.
Si l’inventaire des biens est correctement établi, la connaissance technique, notamment l’état de santé des bâtiments, reste insuffisante. La valorisation comptable de ces actifs, bien que régulièrement révisée à la hausse, continue d’être assortie de réserves. La modernisation des outils de suivi et une meilleure qualification des données sont essentielles pour une gestion plus proactive de cet immobilier « évalué à 73,7 milliards d’euros » selon le rapport. Une valorisation qui fait « l’objet de réserves de la part de la Cour des comptes ».
Une organisation immobilière perfectible
La gestion immobilière de l’État est marquée par une distinction théorique entre le rôle de propriétaire, garant de la qualité structurelle du parc et celui d’occupant, garant du bon usage au quotidien, qui peine à se traduire dans les faits. Cette confusion se traduit par une diversité de pratiques de gestion d’un ministère à l’autre et par une absence de stratégie immobilière formalisée à l’échelle de l’État alors même qu’il dispose de 10 milliards d’euros de crédit consacré en 2024. En conséquence, les arbitrages entre les besoins ministériels et les priorités globales restent flous, compliquant la mise en œuvre d’une politique immobilière cohérente.
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Pour pallier à ces limites, le Gouvernement a annoncé en février 2024 la création d’une foncière publique, dont un projet pilote sera lancé en 2025. Inspirée des modèles européens et privés, cette entité vise à centraliser la gestion immobilière autour d’un système locatif financé par les loyers des ministères occupants. L’étude comparative menée en 2022 a mis en lumière les avantages de ce modèle, adopté avec succès dans plusieurs pays européens.
Une gestion vertueuse sous conditions
Pour que la foncière publique atteigne son plein potentiel, certaines conditions devront être remplies. Tout d’abord, son fonctionnement devra garantir une séparation claire entre les rôles stratégiques et opérationnels. Ensuite, elle devra s’appuyer sur une gouvernance transparente et des outils numériques robustes pour piloter efficacement l’ensemble du parc immobilier de l’État. Enfin, des objectifs de performance clairs devront être définis pour mesurer les progrès en matière de valorisation et d’entretien des actifs.
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En centralisant et professionnalisant la gestion immobilière de l’État, la foncière publique pourrait bien être l’instrument de transformation attendu. Reste à s’assurer qu’elle saura conjuguer ambition et pragmatisme pour répondre aux défis de la gestion immobilière publique.
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