Chandler Ferbeal : « En Syrie, la vie reprend bien petit à petit »
Chandler Ferbeal est producteur de vidéos fantaisie. Il a voyagé dans de nombreux pays dont la Syrie en 2017 et l’Égypte en 2019. Entretien avec ce passionné du voyage.
D’où te vient cette passion pour le voyage et la production de vidéos ?
Le voyage, c’est quelque chose que je pense avoir dans le sang. Ma mère voyageait déjà beaucoup. Mes ancêtres aussi.
Pour répondre de manière plus précise, mon frère se moquait de moi à 18 ans, parce que je n’avais jamais quitté la France… J’ai été touché dans mon égo. C’est grâce à ma première école de commerce que j’ai eu la chance de pouvoir faire un stage dans le pays de ma 2ème langue (espagnol). Je suis donc allé au Mexique, seul, pour laver des assiettes et faire le service dans une chaine d’hôtels 5 étoiles de Playa Del Carmen. Puis les Etats-Unis dans la foulée, également seul, où je dormais chez des gens. C’est particulier de voyager seul, il faut être bien préparé. Nous vivons des choses différentes. Je pense que c’est de cette manière que l’envie d’en voir plus est née à l’intérieur de moi. Tu as envie de découvrir de nouveaux paysages, de nouvelles cultures, rencontrer de nouvelles personnes. C’est comme une drogue finalement (les jeunes, dites NON à la drogue).
Le goût pour la production de vidéos me vient de mes jeunes années, lorsque j’étais rameur dans une équipe d’aviron. Lors de nos compétitions, un ami produisait souvent des films pour retracer notre week-end, je trouvais ça sympa. Je me suis mis à faire des vidéos de mes premiers voyages. Je me suis amélioré avec le temps et j’ai encore beaucoup de progrès à faire. Je considère que la vidéo transmet une vision différente pour celui à qui je vais raconter mon voyage. Pour moi, avec un format court (moins de 5 minutes), les images parlent plus que des paroles ou des photographies.
Quel est ton objectif ?
Mon objectif dans la vie est d’en profiter au maximum. La plupart des gens oublient que nous sommes mortels. Pour moi, la famille, les amis et l’épanouissement sont des points importants.
Ensuite, au niveau de la vidéo, je souhaite continuer certains projets en lien avec l’humanitaire. J’aimerais conserver la vidéo comme une passion plutôt que comme une charge de travail intense. Si j’en fais mon métier je pense que ça peut être différent. Bien évidemment, je vais continuer à en faire mais à un rythme normal, sans me prendre la tête.
Par ailleurs, il faut bien que je gagne de l’argent pour vivre. Ma formation commercial/marketing va me permettre cela. Tout en préparant certains projets vidéos à côté.
Syrie en 2017, Égypte en 2019. Qu’est-ce qui te pousse à te rendre dans ces pays peu recommandés dans le contexte actuel ?
Pour la Syrie, c’est tout d’abord un ami de mon école qui m’en a parlé. Je le trouvais fou de vouloir aller sur place. Puis, avec une réflexion commune sur le sort des chrétiens d’Orient, je ne pouvais pas rester sans rien faire. Certains habitants veulent rester donc je ne me voyais pas rester les bras croisés.
J’aime faire des choses inédites et aller dans le sens inverse de ce que la plupart des gens pensent ou disent. Je voulais me rendre vraiment compte de ce qu’il se passait sur place plutôt que de lire les journaux. Ce n’était pas une surprise, mes parents et mes amis m’ont encouragé à me rendre sur place. J’ai pu voir la situation de mes propres yeux et j’en parle maintenant dans mes vidéos. Quand j’en parle, mes interlocuteurs et spectateurs sont souvent contents d’avoir une vision différente du conflit et de la vie sur place. Je les incite à faire de même.
Certes ce sont des pays instables, mais l’association SOS Chrétiens d’Orient ne nous envoie pas au charbon. Nous n’allons pas sur le front. La marge de sécurité où nous agissons est importante par rapport à la zone de conflit. En Syrie, la guerre est finie sur presque la totalité du territoire. Nous restons dans des zones sécurisées où les dangers ne sont pas plus importants qu’en France. Jamais je ne me suis senti en insécurité. C’est donc sereinement que nous pouvons œuvrer sur place.
Les Français ne connaissent la plupart du temps la situation des populations d’Égypte et de Syrie que de la part des médias. La réalité est-elle si différente ?
C’est vrai. Quelques journaux prennent facilement position sur des thèmes concernant ces pays. De ce fait, les Français se font une idée peu complète sur le sujet. La réalité est forcément un peu différente.
Aujourd’hui, les gens pensent que la Syrie est un territoire hostile et détruit. C’est plutôt vrai en grande partie. Cependant, la vie reprend bien petit à petit, les Syriens reviennent vivre dans les grandes villes et les petits villages. Et ça, les médias n’en parlent que très peu. L’association aide sur le plan moral et physique, ainsi que dans la reconstruction de maisons.
De plus, vous pouvez vous balader dans la ville sans avoir peur, comme à Damas. Dans cette ville entre 2017 et 2019, les changements sont majeurs: moins de contrôles, des quartiers ont été libérés (la Ghouta en 2018), les gens sortent dans les rues. La Syrie rouvre ses portes pour le tourisme comme par exemple à Palmyre ou au Krak des chevaliers. C’est petit à petit que va se faire la reconstruction. Alors forcément, les médias parlent beaucoup plus de faits de guerre plutôt que de la reconstruction. Par conséquent, dans l’esprit des Français, se rendre sur place reste toujours impossible et dangereux.
Grâce à l’association SOS Chrétiens d’Orient, quel regard portes-tu sur les minorités chrétiennes d’Orient pour lesquels tu t’es engagé ?
Malgré le conflit, la plupart des minorités chrétiennes continuent de vivre leur foi sur place. C’est pour moi un acte de courage et de foi. Comme le Christ qui n’a pas fui devant une mort certaine, eux restent pour défendre leurs vies.
Partir avec l’association SOS Chrétiens d’Orient, c’est pouvoir assister à des messes dans plusieurs rites différents, chose que je n’aurais pas forcément pensé en France. Les rites orientaux ont beau être différents dans le déroulement, nous sommes tous rassemblés autour du Christ. Sur place, nous avons été accueillis comme des frères.
En Egypte, les coptes sont constamment persécutés. La mention « chrétien » est même marquée sur leur carte d’identité. Mais qu’à cela ne tienne, la tête haute ils continuent d’être fiers d’être chrétiens. Ils se font même tatouer une croix sur le poignet. C’est une leçon de foi qu’ils nous donnent. Je crois qu’à l’avenir, en France, nous devrons nous rapprocher les uns des autres, comme ils l’ont fait avant nous. Ce qui arrive aux chrétiens d’Orient peut nous arriver également…
Ces minorités sont toutefois en perpétuel danger dans certaines zones. Nous devons continuer de leur apporter un soutien moral et physique. C’est très important pour eux.
A travers tes voyages et tes différents engagements, quel message souhaiterais-tu faire passer aux jeunes ?
J’ai appris beaucoup plus en voyageant, en allant vers les autres et en donnant, qu’en restant sur mon canapé. J’ai pu changer certaines idées préconçues que j’avais en moi. Voyager m’a permis de voir des paysages vraiment différents de ce que je voyais tous les jours, et c’est une chance. Mes engagements m’ont appris à davantage donner de mon temps aux autres. Et quand on regarde le sourire des gens à qui l’on donne, on se rend compte à quel point c’est important pour eux.
Mais pour réussir à faire tout cela, il faut oser. C’est pour moi la phrase à garder en tête. C’est mon message à faire passer aux plus jeunes. Forcément, avant tout projet la peur peut t’habiter. Mais tu ne dois pas te laisser déstabiliser. Tu ressortiras forcément grandi de ces expériences. C’est toujours plus simple de rester dans une zone de confort. Sors de ton canapé et OSE aller de l’avant !
Enfin, si tu hésites encore à postuler en tant que volontaire, j’aimerais te dire que tu ne le regretteras pas. Si c’est tes parents qui hésitent à te donner l’autorisation, dis leur que tu es responsable de toi maintenant. Fonce !
En attendant, tu peux t’abonner à ma chaîne Youtube et ma page Facebook. Ça te donnera une idée de ce que l’association fait sur place.
Propos recueillis par Charles de Blondin