L’actuel président du Brésil Jair Bolsonaro fait régulièrement scandale. En plus de ses saillies habituelles, il est accusé d’être un nostalgique de la « dictature ». Retour sur cette période trouble.
En cette chaude journée du 31 mars 1964, l’été austral n’en finit pas et le Brésil est en ébullition. Le président démocrate Joao Goulart (dit « Jango ») ne le sait pas encore, mais son règne touche à sa fin. Depuis son élection, en septembre 1961, les problèmes s’accumulent. Les réformes économiques du ministre Celso Furtado ont plongé le pays dans l’hyperinflation. Les propriétaires terriens et les classes moyennes craignent pour leurs biens, les ouvriers et une partie des étudiants de gauche réclament des réformes sociales et politiques. Cerise sur le gâteau, la révolution communiste cubaine (1959) a traumatisé l’armée et une partie de l’opinion publique, qui craignent plus que tout un soulèvement d’obédience marxiste qui ferait entrer le Brésil dans le Komintern international.
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Bref, la colère gronde de partout.
Les trois-quarts des officiers de l’armée souhaitent un putsch, la police aussi, et nombre de hauts fonctionnaires également.
Mais en cette journée du 31 mars 1964, un général va prendre tout le monde de court. De fait, Olímpio Mourão Filho n’a jamais été un homme patient. Lassé de l’attente prolongée du « feu vert » de la CIA (qui soutient le complot putschiste), le commandant de la IVe région militaire (Minas Gérais, au Sud-Est) décide de prendre ses hommes et de marcher droit sur Rio de Janeiro. Il avait l’assurance de l’opération « Brother Sam », qui avait mis des navires de guerre américains au large des côtes brésiliennes pour soutenir les putschistes, au cas où le pays s’enfoncerait dans une guerre civile.
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Deux jours plus tard, le 2 avril, le sénat déclare la présidence vacante. Le 15 avril 1964, le Maréchal Branco est nommé Président de la république fédérative du Brésil. Ce dernier peut compter sur le soutien de son indéfectible ami, le sous-directeur de la CIA Vernon Walters. Pour l’anecdote, les deux hommes se sont rencontrés en 1943, pendant la campagne d’Italie, où Branco combattait au sein du corps expéditionnaire brésilien.
Le Maréchal-Président fonde dans les premiers jours de son mandat le célèbre « Centre d’instruction de la guerre dans la jungle » (CIGS en portugais) pour enseigner aux futurs officiers (de la police comme de l’armée) les techniques de guerres « non-conventionnelles ». On peut relever que l’un des « professeurs » de cette « école » fut le Général français Paul Aussaresses, grand théoricien de la « contre-insurrection » et adjoint de Jacques Massu pendant la Bataille d’Alger (1957).
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A la fin de l’année 1969, Artur da Costa e Silva, deuxième Maréchal-Président du Brésil, se retire de la vie politique. Lui succède Emílio Garrastazu Médici, un homme dur et sans pitié, qui traquera sans relâche les opposants au régime. Partisan de l’ordre par la discipline, Médici utilise des méthodes expéditives pour régler les problèmes intérieurs du pays, comme les mouvements sociaux (socialistes le plus souvent) ou la guérilla marxiste. Les Brésiliens retiendront cette période sous le doux nom des « Années de plomb ».
En 1974, le bipartisme imposé par la junte, qui privilégiait toujours le candidat des militaires (le parti « d’opposition » étant un leurre) vit Ernesto Geisel prendre les rênes de l’Etat. Ce luthérien d’origine allemande, fin connaisseur de l’extraction pétrolière (il dirigea plusieurs raffineries), fit beaucoup pour redorer l’image du Brésil à l’international. Il rétablit des relations diplomatiques avec la Chine communiste (ce qui passa mal auprès de certains), signa des contrats énergétiques avec l’Allemagne, et commença (tout doucement) à détendre le régime. Bien qu’il ne perdît pas le nord, puisqu’il ordonna personnellement l’élimination d’éléments « dangereux et subversifs » selon un rapport déclassifié de la CIA (parut dans L’Orient du Jour). On le soupçonne également d’avoir fait enlever, torturer, et exécuter le journaliste communiste Vladimir Herzog, bien que la responsabilité fût rejetée sur un autre.
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Enfin, de 1979 à 1985, João Figueiredo, dernier militaire à diriger le Brésil, continua la démocratisation (Abuerta). Ancien chef des services secrets, il signa dès le début de son mandat une loi d’amnistie pour les « crimes politiques ». Empêchant de fait les militaires et policiers impliqués dans la torture ou les exécutions d’être poursuivis, relevons que cette loi concernait également la guérilla marxiste. En 1985, la pression populaire ainsi que le fort soutien à l’opposition démocratique précipitent la fin du régime.
Avec 400 morts officiels, le bilan de la dictature brésilienne est moindre que dans d’autres pays d’Amérique Latine, cependant n’oublions pas les milliers de personnes emprisonnées et torturées, parfois à tort…
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