Histoire : pendant le confinement, préférez le café à l’alcool !
L’élixir noir fumant dans votre tasse du matin, seul breuvage réussissant l’exploit de vous tirer irrémédiablement des bras de Morphée commence son histoire française au XVIIe siècle sous le règne de Louis XIV. Retour sur l’histoire peu connue du café.
Une boisson venue d’Orient sous Louis XIV
Au tout début de la décennie 1660, un négociant revenu de Constantinople apporte à Marseille le fameux grain de café et les recettes pour le préparer. La boisson nouvelle et surprenante séduit les riches français du sud-est du royaume mais ce n’est qu’en 1669 que le café est introduit à la Cour du Roi de France. L’ambassadeur turc Soliman Agha, représentant du Sultan Mehmet IV, est accueilli à la Cour pendant dix mois dans le but de revoir son alliance avec la France afin de se protéger de l’Autriche. Un drôle de cérémonial a lieu dans ses appartements : des serviteurs enrubannés servent aux grands de la Cour un breuvage inconnu, chaud et noir, dans des services raffinés de porcelaine de chine, un sucre déposé sur des serviettes de mousseline ornées de franges d’or. Louis XIV, intrigué, décide de convier l’ambassadeur dans ses appartements et prend goût à ce breuvage improbable. La route du café vers la France s’ouvrait.
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En 1672 est ouvert à Paris près du Louvre le premier « Café » mais les médecins très suspicieux face à la boisson noire s’en font les détracteurs et l’établissement ferme ses portes. Un serveur de ce café ouvre à son tour son affaire dans le faubourg Saint-Germain en 1686, « Le Procope », qui existe toujours et qui est le plus vieil établissement Français. La Fontaine, Racine, Voltaire, Diderot et bien d’autres comptèrent parmi les habitués.
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Plus étonnant encore, Louis XV, grand amateur de café, fit planter des caféiers dans les jardins de Trianon, torréfiant lui-même sa récolte et préparant le café pour sa famille. La tradition s’installa à la Cour et, progressivement, la noblesse, la bourgeoisie et mêmes les petites gens se mirent à boire du café.
L’exploit du café : lutter contre l’alcoolisme
L’alcoolisme est un mal qui ronge les sociétés, et le royaume de France ne fait pas figure d’exception. C’est en ce sens que Joseph Mainzier (1801-1851) rappelle que « populace et grands seigneurs, tout le monde se mit a hanter les cabarets, dont la vogue s’accrut à mesure que la débauche étendait ses envahissements » et d’affirmer que le café a réussi l’exploit qu’aucun roi ne put accomplir : combattre l’alcoolisme. En effet il affirme que « les rois de France, depuis Charlemagne jusqu’à Louis XV, essayèrent vainement de combattre l’amour excessif des libations vineuses. Ce fut en vain qu’on priva les buveurs de tester en justice, que, d’après un édit de François Ier, on les condamna a être incarcérés, et, en cas de récidive, a être fouettés en public, puis bannis avec amputation des oreilles ». Rappelons à juste titre que les châtiments corporels sont restés légion pendant fort longtemps dans la tradition judiciaire française de l’ancien régime. S’agissant de l’alcoolisme, ce n’est pas aux rois que revient la solution mais au marchand de café. A son simple cri : « Café ! Café ! », les taverniers virent déserter leurs nombreux clients et Mainzier de préciser que « le goût de l’ivrognerie s’est limité, les débauchés de famille se sont laissés séduire par les attraits d’une liqueur moins enivrante; au cabaret a succédé le café, rendez-vous des hommes d’affaires, des hommes politiques, des militaires; toute la vie privée des français s’est relevée de l’abaissement où l’avait plongé la taverne, pour prendre une direction plus en harmonie avec les progrès de la civilisation ».
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La poésie du café
Aussi faîtes de même, n’abusez pas trop des délices des boissons fermentées et profitez, avec raison, des bienfaits du café et, faute de pouvoir reprendre très bientôt un petit noir sur le zinc du café du coin, laissez-vous séduire par quelques vers de Jacques Delille (1738-1813) :
Il est une liqueur, au poète plus chère,
Qui manquait à Virgile, et qu’adorait Voltaire ;
C’est toi, divin café, dont l’aimable liqueur
Sans altérer la tête épanouit le cœur.
(…)
A peine j’ai senti ta vapeur odorante,
Soudain de ton climat la chaleur pénétrante
Réveille tous mes sens ; sans trouble, sans chaos,
Mes pensées plus nombreux accourent à grands flots.
Mon idée était triste, aride, dépouillée ;
Elle rit, elle sort richement habillée,
Et je crois, du génie éprouvant le réveil,
Boire dans chaque goutte un rayon du soleil.