«Naissance du mythe gaulliste» : le regard critique d’Henri de Foucaucourt sur l’homme du 18 juin
Publié le 30/11/2020
Henri de Foucaucourt est né en 1905 dans le Nord de la France. Il sort de Saint-Cyr en 1925. Quand l’armistice du 22 juin 1940 est signé, il se trouve dans le Sud tunisien. En congé de l’armée, ouvrier à Constantine, il participe alors à la formation de l’Armée de la Revanche. Avec cet ouvrage dont le titre ne laisse planer aucun doute concernant son avis sur Charles de Gaulle, l’auteur apporte un regard critique et des analyses solidement argumentées pour dénoncer « le mythe gaulliste ». Il décèdera en 1996 sans jamais avoir renié ses idées.
Il paraît difficile de s’attaquer à une légende comme celle qui entoure le Général, tant celui-ci semble intouchable. Souvent copié, toujours remis au goût du jour, De Gaulle reste encore en 2020 un modèle pour l’ensemble du corps politique officiel. Cependant, les admirateurs du premier président de la Cinquième République connaissent-ils vraiment son histoire ? L’auteur écrit : « Bien des Français se détournent de l’histoire récente, ils ont le sentiment qu’une orientation partisane lui est imprimée par les divers pouvoirs qui dominent leur pays, à l’instar des informations quotidiennes dont ils sont gavés ». Le propos se veut implacable et se poursuit ainsi : « Une fort contestable page d’histoire a été incorporée au patrimoine national et incrustée dans la mémoire collective des Français ». Sans compter que depuis sa mort survenue en 1970, il existe maintenant des lois qui répriment la liberté de recherche historique et d’expression.
Tous les ans, au 18 juin, les médias et les politiques encensent le chef de la France libre. Mais ce concert de louanges est-il mérité ou spontané ? Foucaucourt écrit : « La Grande légende de Charles De Gaulle, en France tous en sont abondamment instruits ; dans le monde, les chefs politiques ainsi que bien d’autres hommes en ont eu connaissance. Elle est illustrée et fixée par des plaques apposées aux murs des villes, des villages de France et même de la plus belle place de Paris ».
De fait, l’ambition de l’auteur est clairement exprimée : « Avant de vivre les faits à travers lesquels De Gaulle est parvenu à la célébrité, il semble opportun d’évoquer des éléments qui ont cristallisé sur sa personnalité l’attente et l’admiration des Français ». L’auteur cite Romain Gary qui estimait que « De Gaulle s’est créé comme Balzac créait ses personnages ». Il convoque aussi Olivier Guichard, un baron du gaullisme, qui écrivait au sujet de De Gaulle : « celui-ci a trouvé son équilibre dans une sorte de dédoublement de sa personnalité ».
Ainsi, Foucaucourt précise sa pensée : « Je n’ai jamais été pétainiste, je n’ai jamais été gaulliste, restant réfractaire à ces embrigadements en iste et au culte de toute personnalité célèbre ou peu connue ». Il explique également ce qui suit : « Je souhaite, m’écartant des acteurs et de la politique, présenter les faits minimes ou déterminants, révélateurs dans leurs effets des entreprises guerrières du Général. En réaction aux écrits plus ou moins flagorneurs, je revendique le droit d’exprimer, sans détour, ma pensée sur les thèmes de l’honneur et du courage manifestés, méconnus ou escroqués ».
Des gaullistes pourraient rétorquer : cet individu est-il légitime pour commettre ce genre de livres ? Il leur a déjà répondu dans la première partie de son étude : « Mon pedigree d’homme et de soldat m’y autorise. Je dois donc en dire quelques mots, j’aurais voulu l’éviter […] En novembre 1942, j’ai mené, avec une unité algérienne à peine équipée, de pénibles et meurtriers combats en Tunisie. Puis j’ai été engagé dans les dures attaques de la sanglante campagne d’Italie avec des tirailleurs ». Il fut notamment présent à Cassino, puis participa à la libération du territoire national.
Avant de se livrer à son réquisitoire, l’auteur dresse le bilan humain et politique de la Première Guerre mondiale en rappelant que « la France, en 1939, reste meurtrie et diminuée par les formidables destructions et les pertes humaines que lui a coûtées sa victoire en 1918 ». Ensuite, il explique la genèse de la Deuxième Guerre mondiale et revient sur la montée en puissance du IIIème Reich qui aurait pu être stoppé en 1933 et à plus forte raison en 1936, quand l’armée allemande, ou plus exactement des unités armées allemandes occupent la Rhénanie.
Foucaucourt analyse ainsi le comportement de notre allié anglais : « Une réaction vigoureuse des Franco-Britanniques aurait porté un rude coup à la dictature naissante de Hitler et sans doute évité le désastre de 1940 ». Tout le monde sait aujourd’hui qu’en 1936, et Hitler l’avait lui-même reconnu, les Allemands n’auraient pu s’opposer à eux : « Si les Français avaient pénétré en Rhénanie, nous aurions été contraints de nous retirer car nos ressources milliaires étaient alors incapables de leur offrir la moindre résistance ». L’auteur critique et condamne le pacifisme de Chamberlain et des autorités politiques françaises.
Puis viennent la débâcle et l’effondrement de notre armée en quelques semaines. Les politiques et les militaires se divisent en deux camps : ceux qui veulent continuer les combats car la France doit « demeurer dans la guerre », ceux qui pensent que les combats doivent immédiatement cesser. De Gaulle opte pour la première option, Pétain pour la seconde : « Le vieux soldat est hanté par le malheur de ses enfants, par la souffrance des familles fuyant sur les routes, des soldats peinant et tombant dans une lutte inégale et sans espoir ». Cette opposition politique majeure permit à De Gaulle de ne pas être considéré comme un défaitiste et de s’imposer comme l’un des chefs des futurs combats qui s’annonçaient. Foucaucourt présente de nombreux arguments pour expliquer que la France ne pouvait poursuivre la guerre. La continuer, selon lui, serait revenu à exposer notre pays à des destructions massives et à des souffrances bien plus grandes encore pour les Français.
L’auteur estime que De Gaulle fut prêt à tout pour recevoir « la couronne », quitte à poignarder ses anciens camarades militaires ou politiques. Il lui reproche la « recherche de l’alliance privilégiée » avec Moscou « pour préserver le présent et l’avenir », ainsi que l’aide apportée au Parti communiste français. Il n’approuve pas non plus la guerre franco-française ainsi que le démantèlement des structures de l’Empire. Foucaucourt regrette les tribunaux d’exception et l’élimination brutale des opposants politiques qui selon lui « déchirent durablement la France ». Sur le temps long, il pense que De Gaulle « ouvre la voie à l’emprise stérilisante de l’Etat sur les Français, en inoculant à la France le virus de l’inflation avec le concours de son fidèle et pâle Pleven ».
Foucaucourt soulève la question suivante : « Doit-on admirer sans réserve la prodigieuse stature de ce grand homme d’Etat ? » L’auteur répond à sa propre interrogation rhétorique de la manière suivante : « De Gaulle écrase sans hésitations – apparentes – tout ce qui s’oppose à lui, il fascine les pygmées du monde politique ». Cinquante ans après sa mort, toute la classe politique lui rend encore hommage. Ces mêmes politiques qui continuent de détruire la France par leurs trahisons, leurs compromissions et leurs lâchetés. Un adage enseigne qu’un peuple a les chefs qu’il mérite. En guise de conclusion, nous écrivons qu’un chef a également les soutiens qu’il mérite…
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