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Afghanistan : la chute de Kaboul et l’arrivée au pouvoir des Taliban

Des images diffusées par Al-Jazeera montrent des dirigeants taliban dans le palais présidentiel de Kaboul | Capture d'écran Al Jazeera

Des images diffusées par Al-Jazeera montrent des dirigeants taliban dans le palais présidentiel de Kaboul | Capture d'écran Al Jazeera

En quelques semaines, les Taliban ont repris le contrôle de la plupart des provinces afghanes. Depuis dimanche, le mouvement islamique est entré dans Kaboul, la capitale, et menace l’aéroport international dans lequel se trouvent encore des centaines d’occidentaux (dont quelques dizaines de français) et plusieurs milliers d’Afghans qui souhaitent fuir le territoire par les airs.

 

Dimanche 15 août, les informations en provenance d’Afghanistan semblaient indiquer que le retour des Talibans au pouvoir était imminent. Depuis le départ des principales forces américaines qui s’est conclu en mai 2021, le mouvement islamiste engrangeait les victoires stratégiques, jusqu’à conquérir, dimanche 15 août 2021, la dernière capitale régionale d’Afghanistan. Seule la capitale nationale, Kaboul, leur échappait encore mais, au vu des efforts déployés par les pays occidentaux pour terminer l’évacuation de leurs ressortissants le plus rapidement possible, sa chute ne pouvait être plus qu’une question d’heures.

 

Une offensive de quelques semaines

L’offensive éclair des Taliban sur tout le territoire afghan, au cours ces deux dernière semaines, leur a permis de prendre le contrôle de la totalité des postes frontières du pays, ainsi que des infrastructures aériennes nationales. Seul Kaboul, la capitale était encore contrôlée par les autorités gouvernementales. Mais dimanche soir, le palais présidentiel est tombé aux mains des combattants islamistes et ce lundi matin, Kaboul s’est réveillé quadrillé par des patrouilles de Taliban. Pour le moment, seul l’aéroport de la ville échappe encore aux insurgés, sécurisé par au moins 5 000 soldats américains, d’après les annonces de Washington, ainsi que par plusieurs centaines de soldats anglais et allemands. L’enjeu pour les pays occidentaux étant de garder le contrôle de cette ultime tête de pont afin de permettre l’évacuation des milliers de personnes piégées à Kaboul (ressortissants étrangers, personnel local des ambassades occidentales et citoyens afghans dont les demandes de visas ont été acceptées dans l’urgence).

La rapidité de l’offensive des Taliban sur Kaboul, permise par le délitement de l’armée afghane, a surpris jusqu’à l’administration américaine qui ne prévoyait pas, il y a encore quelques jours, une chute de la capitale avant plusieurs mois. Preuve de l’effet de surprise causé par cette offensive, le président américain, Joe Biden, a signé samedi soir un communiqué menaçant les Taliban de représailles s’ils venaient à menacer voire attaquer des membres de l’administration américaine qui n’auraient pas le temps de quitter le territoire afghan avant l’arrivée des insurgés dans la capitale. A l’inverse, alors que des frappes aériennes semblent avoir été menées par l’armée américaine ces derniers jours contre les combattants islamistes, les Etats-Unis auraient donné l’assurance aux Taliban que l’aéroport de Kaboul ne servirait pas à lancer de nouveaux bombardements.

La question qui se posait dimanche était de savoir si les Taliban allaient attendre la fin de l’évacuation des ressortissants étrangers pour prendre le contrôle de la capitale. D’un côté, une temporisation par les Taliban de leur offensive sur Kaboul aurait amoindri les possibilités d’un face à face avec des unités occidentales qui aurait pu dégénérer rapidement. Mais, à l’inverse, après plus de vingt ans de guerre contre les Etats-Unis et leurs alliés, une entrée fracassante dans Kaboul aurait représenté une victoire majeure pour eux et un signal extrêmement fort envoyé au monde entier. Un report de l’offensive aurait aussi permis aux Taliban de mener une transition du pouvoir mieux organisée, à l’image de celles qui ont déjà eu lieu récemment, dans les capitales régionales qui se sont rendues sans résistance.

 

La prise de Kaboul

Alors que dimanche matin, seuls quelques combattants Taliban circulaient calmement dans les quartiers périphériques de la capitale, des membres de la police de Kaboul avait déjà commencé à remettre leurs armes au mouvement islamiste ou à abandonner leurs uniformes. Les porte-paroles des Taliban avaient de leur côté indiqué qu’ils ne prendraient pas tout de suite le contrôle de la capitale et qu’ils garantiraient la sécurité des corps diplomatiques et des travailleurs humanitaires. Hors incident imprévu, ils ne devaient donc investir la capitale qu’une fois les évacuations terminées. Cependant, le mouvement islamiste a pris encore une fois de court les Etats occidentaux et le gouvernement afghan, en investissant le palais présidentiel et prenant le contrôle des chaînes de télévision de la capitale, dimanche soir, une fois que l’exil de l’ancien président afghan, Ashraf Ghani, ait été rendu public.

La plupart des pays membres de l’OTAN ont déjà clôt leurs représentations diplomatiques et leur personnel diplomatique a été évacué par l’aéroport, ou patiente encore avant d’embarquer dans des avions affrétés pour l’occasion. D’après certaines sources locales, les Etats-Unis ont lancé des négociations intenses avec les Taliban, dimanche, pour obtenir que la route faisant la jonction entre leur ambassade et l’aéroport reste libre, afin de permettre une évacuation sécurisée de leur personnel, en vain.

Si au début de l’évacuation, des avions militaires et civils pouvaient encore décoller de l’aéroport, les Etats-Unis ont interdit dimanche, dans l’après-midi, le décollage des avions civils, bloquant sur place des centaines de voyageurs qui avaient réservé leur siège. Dans un même temps, un début d’incendie de l’aéroport international était signalé, ainsi que des tirs d’armes légères sur les avions au décollage. D’après les témoignages sur place, des rumeurs faisant état de places d’avions disponibles sans visas ont aussi provoqué un afflux de milliers de citoyens afghans espérant échapper aux Taliban. Cette vague humaine sur le tarmac de l’aéroport s’est heurtée aux forces américaines, qui ont tiré en l’air pour disperser la foule. Pour le moment, le bilan de ces mouvements de foule serait de trois morts, sans certitudes encore sur leur origine.

Selon les informations du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, l’ambassadeur de France en Afghanistan a été évacué dans la nuit. Quelques dizaines de Français encore sur place devraient être évacuées dans les heures qui viennent par l’armée française. Illustrant la confusion sur place, des vidéos montrent l’ambassadeur du Royaume-Uni, encore dans l’aéroport, en train de tamponner des demandes de réfugiés politiques, afin qu’ils puissent être évacués eux-aussi d’Afghanistan. A l’inverse, la Russie a annoncé maintenir sa représentation diplomatique en Afghanistan et une rencontre officielle entre l’ambassadeur russe et des représentants Taliban est prévu ce lundi. La Chine devrait elle-aussi maintenir sa présence diplomatique sur place et il est probable qu’elle ait reçu, comme la Russie, des garanties sur la sécurité de son corps diplomatique.

 

Un désastre diplomatique

Déjà, aux Etats-Unis, des voix s’élèvent pour demander aux uns et aux autres des comptes pour ce retrait désastreux d’Afghanistan. L’ancien président Donald Trump a ainsi accusé jeudi dernier son successeur de ne pas avoir respecté les étapes prévues du retrait américain et d’être ainsi responsable du délitement de l’État afghan face aux Taliban. Dans son communiqué publié samedi soir, Joe Biden a réfuté ces accusations en affirmant que la guerre la plus longue de l’histoire des Etats-Unis avait atteint ses objectifs (Oussama Ben Laden ayant été tué et al-Qaïda affaibli) et qu’une intervention illimitée de forces américaines dans le cadre d’une guerre civile lui semblait inacceptable alors même qu’elle ne permettrait pas, in fine, de modifier le rapport de force entre les belligérants.

Bien que les Taliban aient pris le contrôle du palais présidentiel, ainsi que de tous les autres lieux d’exercice du pouvoir, ils n’ont pas encore proclamé la restauration de l’Emirat islamique d’Afghanistan, qui s’était achevé en 2001 avec l’intervention américaine. Pour l’instant, les évacuations se poursuivent dans l’aéroport international de Kaboul, toujours sous contrôle américain, alors que la confusion semble s’aggraver avec l’arrivée de milliers de citoyens afghans qui espèrent pouvoir fuir leur pays. La situation sur place étant imprévisible, les autorités américaines recommandent maintenant à leurs ressortissants de ne plus essayer de rejoindre l’aéroport. Pourtant, des centaines d’européens et américains (dont beaucoup de journalistes) sont encore bloqués à Kaboul. Les prochaines heures vont donc être cruciales, tant d’un point de vue politique qu’humain.

 


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