ANALYSE – La Russie est-elle l’ennemi de la France et de l’Europe ?
Publié le 17/07/2021
Ces derniers temps, nous avons assisté à une escalade de tensions entre la Russie et l’Europe. Tandis que les exercices militaires s’enchaînent et les sanctions économiques se succèdent, le ministère français de la Défense déclare se préparer à « un conflit de haute intensité ».
Dans la masse des évènements récents cristallisant les tensions opposant la Russie à l’Europe et à la France, revenons sur trois d’entre eux caractérisant la complexité de la situation.
La récente problématique des vins de Champagne
Le 2 juillet 2021 était promulguée une loi fédérale N 345-Fz « sur la modification de la loi fédérale (du 22 novembre 1995 N171-Fz, NDLR) sur la réglementation de l’État de la production et du trafic d’alcool éthylique, de produits alcooliques et contenant de l’alcool et sur la restriction de la consommation (de consommation) de produits alcooliques ». Le point c) de l’article 2 indique effectivement que les mots « le vin, le vin de fruits, les liqueurs, les vins mousseux (champagne), les boissons à base de vin » ont été remplacés par les mots « […], le vin, le vin viné, le vin mousseux, y compris le champagne russe, les boissons contenant du raisin, les fruits et les produits alcoolisés ».
Pour le gouvernement russe, les vins mousseux ne pourront plus être exportés sous l’appellation « Champagne », quand bien même ils seraient issus de cette région viticole dont l’AOP remonte à 1937. « Nous nous efforçons de convaincre partout dans le monde qu’il n’est de champagne que de la Champagne » dixit Charles Goemaere, directeur général du comité interprofessionnel du vin de Champagne. Il poursuit « Le marché russe est un marché en volume qui reste relativement modeste » tout en ajoutant que « Ce sont plusieurs dizaines de millions d’euros qui sont aujourd’hui dans l’incertitude ». Sur le plan de la législation nationale russe, la mesure est en revanche tout à fait légale.
Ce n’est pas la première fois que l’appellation Champagne est menacée. Face à son prestige et à sa renommée de l’appellation, nous pouvons espérer qu’une pression des autorités économiques internationales mette fin à ce conflit économique naissant.
Un cas géoéconomique : Nord Stream 2
Nord Stream 2 est un projet de gazoduc complétant Nord Stream 1 et reliant les rives russes de la mer baltique à l’Allemagne. Il s’agit d’un projet à plus de 10 Milliards d’euros devant permettre à l’Allemagne et à l’Europe d’importer du gaz issu des gisements russes sans passer par les réseaux ukrainiens. A ce jour, l’Union Européenne importe plus de 70 % du gaz que nous consommons et les 9/10e de ce gaz sont acheminés via des gazoducs. Sur les 70 % importés, près de la moitié vient de la Russie, soit via l’Ukraine, soit via Nord Stream 1. La Russie ayant d’importantes réserves et l’Allemagne un besoin certain, le projet Nord Stream 2 est d’une grande importance pour les deux parties. Selon Jérôme Ferrier, ancien président d’honneur de l’union internationale du gaz, « l’Allemagne a besoin de ce gaz, elle n’a pas d’alternative ».
Kiev a dénoncé ce projet qui reviendrait à « abandonner » l’Ukraine au profit de la Russie. L’Ukraine qui, rappelons-le, mène une guerre régionale contre la Russie depuis 2014, a tout intérêt à ce que Nord Stream 2 n’aboutisse pas. Depuis 2004, le gaz transitant par l’Ukraine a fait l’objet de nombreux conflits économiques, l’Ukraine ayant notamment été accusée de se sur-approvisionner à des tarifs préférentiels avant de revendre le surplus au plus offrant. Les enjeux économiques sont de taille, d’autant plus que les États-Unis cherchent à imposer des sanctions extraterritoriales à la Russie et aux pays s’approvisionnant en gaz russe.
Pour Kiev, la garantie de la stabilité de la région serait une adhésion à l’OTAN et à l’UE. « Les projets de l’UE et de l’OTAN ne seront pas achevés sans l’Ukraine. L’accession à part entière à l’UE et à l’OTAN est une priorité fondamentale et stratégique de la politique étrangère de l’Ukraine. Pour nous, c’est avant tout une garantie de sécurité et une garantie de souveraineté sur le Donbass et la Crimée », déclarait le Président ukrainien Vladimir Zelensky en début de semaine, à l’occasion du Forum international de la politique ukrainienne. Ces adhésions sont vues d’un œil méfiant par Bruxelles qui voient en celles-ci un nouveau moyen d’attiser les tensions existantes.
Les récentes tensions militaires entre la Russie et l’Angleterre
Le 23 juin dernier, un navire de la Royal Navy, le HMS Defender, navigua quelques dizaines de minutes dans les eaux territoriales de la Crimée, territoire rattaché à la Russie depuis 2014. Face à cette provocation, les garde-côtes russes tirèrent plusieurs coups de semonces afin de contraindre le bâtiment anglais à dévier de sa trajectoire. Vladimir Poutine, dans une interview du 30 juin 2021, a tout de même précisé que « Même si nous avions coulé ce navire, il serait difficile d’imaginer que cela aurait mené le monde au bord d’une guerre mondiale. Car ceux qui la déclencheraient savent qu’ils ne sortiront pas vainqueurs de cette guerre ». Cet incident survient à quelques jours du lancement de Sea breeze, un exercice militaire de l’OTAN devant se tenir au nord-ouest de la mer noire, zone sous haute tension militaire. Autrement dit, 5 000 hommes, 32 navires et 40 avions de 36 nationalités différentes vont développer leur interopérabilité à quelques kilomètres de la Russie, en plein territoire Ukrainien.
Selon Oleksiy Neizhpapa, commandant de la flotte ukrainienne « Ces exercices vont réunir cinq continents et se dérouleront dans la partie nord-ouest de la mer Noire, dans trois régions d’Ukraine. Ils sont destinés à maintenir la paix et la stabilité dans notre région ». Bien entendu, la Russie a décidé d’apporter une réponse à ce qu’elle estime être une provocation. En ce moment même, elle déploie des navires et autres appareils de guerre dans le cadre d’un exercice parallèle en mer noire.
La Russie est-elle l’ennemi de la France et de l’Europe ? Au milieu de la masse des tensions et des conflits apparaissant, il devient difficile de savoir à qui revient la faute. Alors, à qui profite le crime ? Là aussi on serait tenté de répondre mais, au fond, le crime ne profite jamais à personne.
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