Azerbaïdjan : le procès des otages arméniens débute à Bakou
Publié le 16/01/2025
Après 15 mois de détention arbitraire en Azerbaïdjan, l’ancien ministre d’État de la République du Haut-Karabagh, Ruben Vardanyan fera face à 44 accusations et risque une peine de réclusion à perpétuité. Seize autres otages arméniens vont également être jugés dont huit dirigeants politiques et militaires.
Après de nombreux reports décidés par le gouvernement azéri, le procès de Ruben Vardanyan, banquier, chef d’entreprise et otage politique arménien, doit enfin débuter le vendredi 17 janvier à 15h, heure locale. Il se tiendra au tribunal militaire de Bakou, situé dans le district de Surakhani, au sein de la localité de Govsan, sur l’autoroute 3, au 8e kilomètre, bâtiment 10L, Bakou, Azerbaïdjan.
Prison à perpétuité
Parmi les 17 Arméniens poursuivis en Azerbaïdjan, Ruben Vardanyan est l’un des quatre anciens hauts responsables de la République du Haut-Karabagh traduits en justice. Le journal d’État Azertac rapporte qu’il est accusé de 44 violations présumées du Code pénal de l’Azerbaïdjan, incluant des actes de terrorisme, de torture, ainsi que la déportation ou le transfert forcé de population. En cas de condamnation, Ruben Vardanyan risque la réclusion à perpétuité.
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En réalité, Ruben Vardanyan est poursuivi pour son engagement en faveur du droit à l’autodétermination et à l’autogouvernance du peuple du Haut-Karabagh, et sur la base de preuves manifestement fabriquées. Il est au cœur d’une affaire déjà marquée par le mépris flagrant de l’Azerbaïdjan envers ses obligations internationales, notamment en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. À seulement quelques jours d’un procès fictif qui se déroulera probablement en huis clos, les autorités azéries ont drastiquement limité l’accès de la défense à l’acte d’accusation, aux preuves supposées, ainsi qu’à la liste des témoins, invoquant des « secrets d’État » pour justifier ces restrictions.
15 mois de détention
« L’absence de transparence, de preuves crédibles et le non-respect du droit international par l’Azerbaïdjan ne laissent aucun doute : ces procédures n’ont rien à voir avec la justice, mais visent à museler la dissidence », a déclaré Jared Genser, avocat international de Ruben Vardanyan. « Avant même son ouverture, ce procès est déjà entaché de violations graves des garanties d’un procès équitable, en flagrante infraction aux normes juridiques internationales. La communauté internationale ne doit pas légitimer de telles pratiques en les ignorant. » Ruben Vardanyan a déjà passé plus de 15 mois en détention provisoire arbitraire, ses demandes de libération sous caution ayant été systématiquement refusées.
Pendant cette période, son avocat international, Jared Genser, a été empêché d’entrer en Azerbaïdjan pour assurer sa défense. Parallèlement, le président azéri Ilham Aliyev, des responsables gouvernementaux et les médias d’État ont déjà proclamé sa culpabilité, violant ainsi de manière flagrante son droit à la présomption d’innocence. Pour aggraver encore la situation, Ruben Vardanyan est jugé devant le tribunal militaire de Bakou, bien que le droit international interdise de recourir à des tribunaux militaires pour des civils n’ayant jamais servi dans les forces armées ou en qualité de commandant. De tels tribunaux sont tristement connus pour leur manque d’indépendance, d’impartialité et de respect des normes d’un procès équitable.
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« Le gouvernement azéri a clairement affiché son objectif d’éliminer toute présence arménienne du Haut-Karabagh. Mon père s’est opposé à cet objectif en travaillant à améliorer les conditions de vie des habitants de la région. Pour avoir tenté d’aider 120 000 Arméniens dans leur heure la plus sombre, il risque désormais une condamnation à la réclusion à perpétuité », a déclaré David Vardanyan, fils de Ruben Vardanyan. « Cela fait plus de deux ans que notre famille est séparée de mon père. Chaque jour, nous craignons que cette séparation devienne définitive. Nous appelons la communauté internationale à agir d’urgence pour mettre un terme à cette injustice cruelle et stopper la trajectoire dangereuse de l’Azerbaïdjan, qui mène à une instabilité croissante et à un autoritarisme sans contrôle. »
Un appel international
L’équipe juridique de Ruben Vardanyan et sa famille appellent les représentants des organisations multilatérales, des gouvernements internationaux, des médias et de la société civile à surveiller ce procès et à dénoncer la procédure en raison des violations flagrantes du droit international par l’Azerbaïdjan. Ce procès met en lumière la crise des droits de l’homme qui s’accentue en Azerbaïdjan, un pays classé parmi les plus liberticides au monde. Freedom House attribue ainsi à l’Azerbaïdjan un « score de liberté mondiale » de sept sur cent, en raison de son régime autoritaire et de la répression des libertés civiles sur son sol.
« Nous appelons solennellement les médias français à assurer une couverture attentive des procès des 17 otages arméniens jugés à Bakou à partir du vendredi 17 janvier. Nous appelons également le gouvernement français, à exercer une pression ferme sur la République d’Azerbaïdjan. La passivité face à ces abus équivaudrait à une complicité silencieuse avec un régime qui défie ouvertement la France, mais aussi les valeurs universelles de justice et de dignité humaine. » indiquent Hovhannès Guévorkian, Représentant de l’Artsakh en France, Ara Toranian et Mourad Papazian, Co-Présidents du CCAF.
Le bilan des droits humains de l’Azerbaïdjan a été au cœur des préoccupations en novembre 2024, lors de la tenue de la COP29. Alors que le président Aliyev cherchait à utiliser cet événement international pour redorer l’image de son pays, celui-ci a au contraire mis en lumière la détérioration systématique des libertés fondamentales en Azerbaïdjan. Des rapports ont révélé la poursuite de la détention arbitraire de 331 prisonniers politiques, un sombre rappel de la gouvernance répressive du régime.
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Les chrétiens arméniens, dont Ruben Vardanyan, font face à une répression croissante en Azerbaïdjan. En juillet 2021, le président Aliyev déclarait dans une interview que les Arméniens « n’avaient aucune légitimité historique pour vivre » au Haut-Karabagh. Les images satellites confirment que l’Azerbaïdjan a depuis détruit ou endommagé de nombreux sites historiques arméniens dans la région, en violation des ordonnances de la Cour internationale de justice.
En septembre 2023, les forces armées azéries ont envahi le Haut-Karabagh, forçant les 120 000 chrétiens arméniens de la région à fuir. Alors que des milliers de réfugiés fuyaient, huit anciens responsables ont été arrêtés, dont Ruben Vardanyan, qui avait occupé le poste de ministre d’État de la République du Haut-Karabagh de novembre 2022 à février 2023.
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