Le 10 mars 2020, l’Azerbaïdjan a fait de Sahiba Gafarova la 58ème femme dans le monde à devenir chef d’une assemblée parlementaire. Cet événement marque une étape supplémentaire dans les progrès accomplis par le pays en matière de processus démocratique. Quelques semaines auparavant, le déroulement des élections avait été reconnu par des observateurs internationaux comme globalement respectueux des usages démocratiques. Un processus qui permet ainsi au pays de développer significativement ses liens avec les puissances occidentales.
Des législatives réussies dans un contexte politique compliqué
À la suite de la démission inopinée du premier ministre Novruz Mammadov en novembre 2019, et invoquant le besoin de mieux s’adapter au rythme des réformes en cours, le Parlement a voté sa propre dissolution en décembre, ce qui a nécessité de nouvelles élections législatives. Celles-ci, prévues pour le mois de novembre 2020, ont été avancées au 9 février. Quelques chiffres nous donnent un bon aperçu de l’organisation de ce rendez-vous politique important. Près de 6 millions d’électeurs inscrits ont été appelés aux urnes dans plus de 5 500 bureaux de vote à travers le pays. Ces derniers ont pu choisir parmi 1 315 candidats dont plus de 20% de femmes. Les élections ont été tenues sous l’œil vigilant des 80 000 observateurs locaux et de 900 observateurs internationaux agissant pour le compte de 60 organismes internationaux et 58 pays.
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Les organisateurs n’ont pas non plus lésiné sur les moyens techniques pour contrôler le bon déroulement des opérations, puisque des caméras ont même été installées dans les bureaux de vote pour palier à toute accusation éventuelle d’irrégularité. Le député français Les Républicains Jean-Luc Reitzer, observateur de la politique d’Azerbaïdjan depuis de longues années, affirmait récemment : « Tout est très bien organisé. Nous avons vu les listes de tous les candidats, avons eu accès à toutes les règles de vote et à une liste de tous les processus. Nous observons qu’un grand nombre de spécialistes bien formés étaient impliqués dans l’organisation. Tout est réuni pour que les électeurs se rendent dans l’isoloir et puissent faire leur choix en fonction de leurs propres préférences. » Pour le parlementaire français, même si des progrès restent à faire, il y a lieu d’être optimiste quant à l’état de la démocratie azerbaïdjanaise : « Je tiens à souligner qu’il a fallu à la France 200 ans pour mettre en place un véritable processus démocratique. Je pense qu’il est tout à fait normal que le pays s’y oriente progressivement. J’étais déjà observateur ici il y a 25 ans lors des élections, et aujourd’hui je note d’importants progrès. »
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Le résultat de ces élections était sans appel. Le Nouveau Parti d’Azerbaïdjan a conservé sa large majorité avec 72 sièges sur 125, loin devant le second parti, le Parti Civique Solidaire, qui n’en a emporté que 3. Ces résultats sont considérés par l’exécutif comme un vote de confiance et de soutien à la politique menée par le gouvernement. En effet, le président Ilham Aliyev s’est efforcé ces dernières années de faire du pays du Caucase une puissance économique stable, aux ambitions grandissantes. S’appuyant sur ses grandes réserves en hydrocarbures, l’exécutif azerbaïdjanais diversifie progressivement les moteurs de la croissance, usant de celle-ci pour mettre en place une large politique sociale.
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Une nouvelle présidente d’Assemblée
À l’issue de ces élections, le 10 mars suivant, le Milli Medjlis (Assemblée Nationale) s’est doté d’une nouvelle présidente en la personne de Sahiba Gafarova. Son parcours est emblématique de la place que les femmes prennent dans les élites intellectuelles et politiques du pays, en faisant de ce point de vue un modèle d’avant-garde, non seulement dans le Caucase mais en Asie centrale. Issue de la société civile, elle a d’abord un parcours d’universitaire. Elle devient docteur en philologie en 2004, après des études poussées de langue et littérature russe ainsi que de langue anglaise. Professeur depuis plus de 40 ans, elle enseigne notamment à l’Université de Bakou mais également à l’Université de Princeton, Michigan aux États-Unis. Auteur de plus de 70 ouvrages de pédagogie elle s’est lancée en politique en 2004 en adhérant au Parti du Nouvel Azerbaïdjan dont elle est élue député pour la première fois en 2010.
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Ces dernières années elle a pu tisser de nombreux liens à l’international grâce à sa carrière dans l’enseignement, ainsi qu’en tant que membre de la délégation azerbaïdjanaise à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE). Elle y a notamment présidé la Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées. À l’international comme dans son pays, elle a siégé dans de nombreuses instances promouvant l’égalité entre les hommes et les femmes. Elle est ainsi coordinatrice politique du réseau Parliamentary network for women free from violence. À l’APCE, c’est comme rapporteur de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, qu’elle a été à l’origine de la résolution 2084 de cette assemblée : Promouvoir les meilleures pratiques dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes. Persuadée que le droit des femmes est un signe de la démocratisation d’un pays, elle affirmait, lors d’un colloque qui s’est tenu à l’Assemblée Nationale à Paris en octobre dernier : « Je suis convaincue en effet que [l’]évolution [du droit des femmes] constitue un bon indicateur du niveau de démocratie d’un pays. Dans les pays issus de l’ancien bloc soviétique, le sujet représente un enjeu majeur. »
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De ce point de vue, l’Azerbaïdjan n’a pas à rougir, y compris en comparaison de certains pays d’Europe de l’Ouest. En effet, dès 1919, il adoptait le suffrage universel et permettait aux femmes de voter, près de 30 ans avant la France, devenant ainsi le premier pays à majorité musulmane à accorder le droit de vote aux femmes. La même année une femme était élue députée et 100 ans plus tard de nombreuses femmes ont occupé des postes importants sur la scène politique du pays. Aujourd’hui elles peuvent continuer de jouer un rôle essentiel, notamment dans les relations internationales du pays. En effet, l’Azerbaïdjan veut non seulement affirmer sa place dans la région, mais éviter l’enclavement en étant en lien avec les principaux acteurs, nationaux et internationaux, de la planète. Comme s’en félicitait la nouvellement élue présidente de l’Assemblée : « Notre pays est stable […] et applique strictement le droit international dans sa politique étrangère. Cela permet à l’Azerbaïdjan d’être reconnu comme un partenaire fiable dans le monde. » Pour preuve, en 2019, l’Azerbaïdjan a reçu la visite de plus de 40 chefs d’État et de gouvernement, dans des rencontres internationales ou bilatérales. Chiffre important qui laisse présager un rayonnement international accru de ce pays du Caucase, à la frontière entre l’Europe et l’Asie.