Philippe Katerine grimé en Dionysos aux JO a suscité des vagues d'indignation. © Capture d'écran cérémonie France 2

Ce vendredi 26 juillet, la France et le monde ont pu assister à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024. Ce spectacle restera dans les mémoires comme l’œuvre d’un temps où plus que jamais la fracture entre le peuple et les élites semble se creuser au détriment de l’image de la France dans le monde. Retour sur 12 tableaux qui ont marqué l’histoire des Jeux olympiques pour le pire et pour le meilleur.

 

La première chose qui saute aux yeux lors de cette cérémonie d’ouverture est l’omniprésence de thèmes peu à même de fédérer les populations mondiales aux festivités olympiques. La mort et le sexe semblent en effet être le fil conducteur d’une partie de cette cérémonie, générant un malaise palpable aussi bien en France qu’à l’étranger.

 

Éros et Thanatos

La mort a germé dès l’ouverture de la cérémonie olympique par l’intermédiaire de trois enfants apportant la flamme sacrée au travers des catacombes à un homme aux airs d’entité psychopompe. Ouvrir une période de fête avec un avatar de Charon traversant le Styx aux Enfers interroge sur le choix artistique. Le malaise se poursuit un peu plus tard avec la reprise du chant révolutionnaire « Ah ! ça ira » par le groupe de metal français Gojira.

Accompagné d’une multitude de Marie-Antoinette décapitées, le groupe a fait vrombir la Conciergerie pour en évacuer un flot de sang et de feu à faire pâlir le Shining de Kubrick. La Mort, elle, termine son œuvre à dos de cheval, galopant sur les eaux de la Seine et accompagnée d’une musique composée en grande partie de cuivres, cordes et chants engendrant un rendu aussi glaçant que beau esthétiquement.

Le sexe, lui, voit le jour à l’aube d’un trouple et se diffuse dans l’étrange bacchanale de Philippe Katerine qui, accompagné de Drag-queens, pastiche la Cène, dernier repas du Christ. Une tentative de rassemblement qui n’a visiblement pas fonctionné, les témoignages se multipliant et allant dans l’expression d’un dégoût ou d’une gêne à la vue de ce tableau qualifié de blasphème, le tout en mondovision.

Les Chrétiens du monde entier, mais aussi les Juifs et les Musulmans, se sont sentis en partie insultés par cette représentation qui, bien que très française en un sens, demeure inexcusable sur le plan olympique. Si la caricature et « le droit » au blasphème font partie de l’esprit français, la tendance aurait dû consister en la mise en balance à la fois de l’esprit français et de l’esprit olympique fondé sur le rassemblement du plus grand nombre au-delà des appartenances, notamment religieuses.

Un pas de travers qui fut justifié par deux explications aussi insatisfaisantes l’une que l’autre. D’un côté, le spectateur ne voyant pas en cette image la marque du Progrès et de la diversité du vivant était assigné à la catégorie « fasciste » ; argument battu en brèche par l’intervention de Jean-Luc Mélenchon exprimant son malaise devant la scène de décapitation de Marie-Antoinette et la Cène tout court.

D’un autre côté, certains fact-checkers, connus pour leur légendaire vision floue, ont pu affirmer que cette partie du show ne faisait pas référence à la Cène mais à l’œuvre de Jan Harmensz van Bijlert : Le festin des dieux. La disc-jockey Barbara Butch ne représenterait ainsi pas le Christ (ou la Vierge Marie au vu des couleurs) mais le dieu Apollon couronné. Philippe Katerine, lui, serait la représentation du dieu Dionysos, dieu de la vigne, du vin, de la fête et de l’excès.

Or, cette explication semble aussi vouée au néant parce que France télévision a pu confirmer sur X (NDLR : ex-Twitter) qu’il s’agissait bien de la Cène au travers d’un tweet se réjouissant d’« Une mise en Cène LE-GEN-DAIRE. » (tweet depuis effacé). Cette explication ne tiendrait également qu’à demi, même si la représentation choisie était celle de van Bijlert puisque le tableau original est typiquement une œuvre rendant hommage à la Cène au travers de thèmes mythologiques. D’autre part, puisque Dionysos n’est pas bleu et que cette couleur semble plus représenter un dieu védique (Krishna, Vishnou), le mélange des genres, notamment religieux, semblant ainsi au cœur de la mise en scène, l’immixtion de symboles chrétiens ne paraît pas dès lors improbable.

Ces éléments de la mise en scène des JO ont ainsi amené à une censure de la part de plusieurs Etats de certains passages de la cérémonie d’ouverture (États-Unis, Maroc ou encore Algérie) ou à une retransmission intégrale couplée au désarroi de certains présentateurs (Chine, Australie).

Ainsi, une partie conséquente des tableaux en matière de temps et de nombre (presque un quart) aura exclu bon nombre de téléspectateurs : les mineurs et leurs parents et les croyants en premier lieu, formant, déjà, une bonne partie de la population mondiale. Un drame pour une cérémonie voulue comme inclusive et qui n’a pas cherché, comme le bon sens le commandait, à réunir le plus grand nombre, ni d’ailleurs à apporter une image bénéfique des « minorités » au sens médiatique du terme.

 

L’assignation à caricature

Deux catégories de la population, omniprésentes dans cette cérémonie, ont été malmenées : les femmes et les homosexuels.

Les femmes apparaissent lorsqu’elles sont absentes et disparaissent lorsqu’elles sont présentes. Ce fut le paradoxe de cette cérémonie. D’un côté le tableau « synchronicité », rendant hommage notamment aux reconstructeurs de Notre-Dame, donne l’image d’un milieu ultra-féminisé où les artisans extérieurs sont presque tous des femmes, ce qui en réalité ne ressort pas des documentaires sur la reconstruction de l’édifice (bien que les femmes y travaillant doivent être remerciées).

D’un autre côté, le tableau « sororité » (notons le côté excluant du terme) a fait émerger des eaux de la Seine des femmes françaises « invisibilisées ou oubliées » selon le commentaire d’une présentatrice, scène représentant mesdames de Gouges (dont l’opuscule est trouvable dans toutes les librairies), Veil et Halimi (célébrées à longueur d’année) ou encore Michel (une des seules figures marquantes de la Commune). Si certaines figures ont pu être découvertes par le grand public, force est de constater que la France n’est pas un pays qui invisibilise ses grandes femmes et cette cérémonie aurait pu leur rendre un meilleur hommage et à un nombre plus conséquent (Aliénor d’Aquitaine, Jeanne d’Arc, Marie de France, Jeanne-Marie Leprince de Beaumont, George Sand, Marie Curie, Colette, Madame de Staël, Coco Chanel, Élisabeth Vigée-le-Brun, Camille Claudel, la Comtesse de Ségur, etc).

Les homosexuels, eux, sont limités dans leur image à la consommation sexuelle de masse (le polyamour triadique) ou à une représentation ambivalente ou féminisante au travers de la pratique de l’art du spectacle qu’est le drag. L’homosexuel ordinaire du quotidien, masculin avec plus ou moins de féminité (comme tout à chacun) est absent, tout comme ses figures représentatives dans l’histoire de France : Philippe d’Orléans, Jean-Jacques-Régis de Cambacérès, Verlaine, Rimbaud, Proust, Christian Dior, Jean Marais, Jean Cocteau etc.

Ces suites de clichés inclusifs-excluants ne sont pas sans rappeler le côté « macronisant » de la cérémonie d’ouverture.

 

Une soirée « macronienne »

Si depuis plusieurs jours la critique se concentre sur le metteur en scène de la cérémonie, Thomas Jolly, et contre son historien Patrick Boucheron, ces derniers ayant voulu une cérémonie inclusive faisant la promotion du « vivre-ensemble » loin du « passéisme et du présentisme », il est fort à parier que l’influence même de cette cérémonie fut majoritairement « jupitérienne ».

La présence d’Aya Nakamura, plébiscitée par l’Élysée (comme le dîner entre la chanteuse et la « Première Dame » aura pu le montrer), aura permis au monde de voir la déliquescence de la scène du rap à la française. La « playbackiste » olympique a ainsi pu partager la scène avec la garde républicaine dans un duo à peine assumé par les militaires qui semblaient déboussolés de se retrouver dans un tel spectacle. Une performance qui plus est inexistante, la chanteuse ayant mimé les paroles des chansons (playback), a fortiori mal, ce qui est inquiétant lorsque l’on sait que les deux tiers de ces chansons relevaient de son répertoire personnel.

 

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Un « macronisme d’ambiance » qui s’est également diffusé au travers de la cérémonie faisant la promotion de la construction européenne par l’intermédiaire de la statue de Simone Veil et par l’apparition inattendue d’un drapeau européen au sein d’un tableau. Tout en fêtant la France, le monde et le sport, cette cérémonie n’aura pas pu s’empêcher de célébrer le pays imaginaire de Jean Monnet, acte d’allégeance et de soumission à deux doigts du risible, comme l’omniprésence d’artistes américains par ailleurs.

Le « macronisme » s’est aussi infiltré par l’intermédiaire de Louise Michel dont il est fait mention qu’elle a été « déportée en Nouvelle-Calédonie [et qu’elle] continua son combat en s’opposant à la politique coloniale de la France », moyen de rappeler, si l’on ne le savait pas déjà, que la présidence veut se lester de nos Outre-mer (malgré leur refus systématique de quitter la France) et désintégrer le territoire national (tentative de cession du Tromelin et des îles Éparses, tentative d’autonomisation de la Guadeloupe et de la Corse, tentative d’indépendance forcée de la Nouvelle-Calédonie).

 

Les bouées de sauvetage

Après les scandales, les caricatures et les « macronades », il convient toutefois de rendre hommage aux sauveteurs de cette cérémonie, qui malgré tout, a connu quelques grands instants de poésie. Honneur doit être fait aux pyrotechniciens pour l’illumination tricolore du pont d’Austerlitz ainsi que pour les créateurs de sa fresque dorée représentant à merveille les festivités olympiques.

Nous devons faire aussi faire honneur aux nombreux chanteurs qui ont pu redorer l’image de Paris au cours de cette soirée. A Axelle Saint-Cirel pour une magnifique Marseillaise juchée depuis le toit du Grand Palais. A Lady Gaga, pour une reprise frenchy de la chanson Mon truc en plume de Zizi Jeanmaire dans une ambiance cabaret et dans un français plus que correct. A Marina Viotti pour sa reprise de l’Amour est un oiseau rebelle du Carmen de Bizet, mais aussi au groupe Gojira et à Philippe Katerine pour leurs représentations, qui s’il elles n’étaient pas acceptables au sein d’une cérémonie formelle et destinée à tous, retranscrivent toutefois une partie de l’esprit français.

A Juliette Armanet pour avoir apporté un peu de douceur (même avec un piano en feu) avec sa reprise de Imagine de John Lennon. A Céline Dion, enfin, pour sa merveilleuse et touchante reprise de Piaf de l’Ode à l’amour.

Hommage aussi au « chantsigneur » américain Shaheem Sanchez pour sa danse face à la Tour Eiffel et au son de Supernature de Marc Cerrone malgré la pluie battante. Il fut l’emblème de ce Paris festif mais aussi, seul véritable moment de la cérémonie, de cette France inclusive, qui ne glorifie pas un quota de handicap ou de minorité en tous genres mais recherche simplement le talent et l’émerveillement que peuvent générer certains hommes.

Hommage également à Charles Coste, doyen des athlètes olympiques qui depuis son fauteuil roulant a transmis la flamme à Teddy Riner et Marie-José Pérec afin d’illuminer cette sublime vasque en forme de montgolfière rappelant le génie de l’ingénierie français reconnue dans le monde entier et rendant grâce à la beauté de Paris. Vasque qui devrait d’ailleurs rester à demeure, celle-ci se fondant parfaitement dans le paysage.

Hommage enfin aux Français qui, malgré une soirée en partie destinée à « emmerder » les Français, a su répondre à son metteur en scène occulte de la meilleure des façons, en sifflant sa, brève, prise de parole devant le monde entier.

 


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