La Citadelle (1948) est restée à l'état de brouillon dactylographié.

Saint-Exupéry donne voix dans son ouvrage posthume Citadelle (1948) à un seigneur berbère, lointain cousin du Petit Prince peut-être. Il porte les méditations personnelles et spirituelles de l’auteur.

 

Depuis 1936, Antoine de Saint-Exupéry vit avec en lui ce jeune souverain du désert et les conseils sages que ce dernier a hérité de son père. C’est ce que l’aviateur transcrit dans ce qui s’apparente à un recueil de réflexions sur les hommes, la cité, et l’art difficile de les faire chacun grandir. Le désert y est bien plus qu’une toile de fond, mais colore le récit de son parfum de liberté. Liberté d’ériger pour les hommes une noble citadelle. Liberté pour l’auteur, à la fois poète et philosophe, de n’être tenu par aucune contrainte, de laisser sa plume passer des aphorismes aux démonstrations politiques, des métaphores singulières et évocatrices aux pensées profondes d’un chef qui voudrait élever les siens.

 

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A travers ses figures littéraires discrètes, ce ton humble qui mêle contemplation lucide de la réalité humaine et idéal, se dessine tout un art de gouverner. Son objectif est de guider les hommes, non pas vers le bonheur mais vers la grandeur, vers ce qui les dépasse. Une Citadelle à laquelle chacun contribue et où l’on s’anoblit en bâtissant. Le lecteur devient bâtisseur lui aussi, bâtisseur de sa citadelle intérieure à la lecture de cet ouvrage qui pousse aux considérations sur la communauté comme à une introspection silencieuse.

« N’est rien une victoire qui dure. Non plus vivifiante. Mais amollissante et ennuyeuse. Car il n’est point alors victoire mais simple paysage accompli », écrit Saint Exupéry sous les traits du jeune prince.  Au ton bref et mystérieux, ces mots imagés témoignent d’une esthétique épurée et profonde comme le sont les immensités de dunes. Il livre dans cet extrait les délibérations d’un stratège sur la victoire et ses conséquences, mais aussi les rêveries d’un homme qui revient sur sa vie et prend conscience de ce qu’elle lui a enseigné. Certains passages, succédant parfois à des explications sur la justice ou le courage dans la cité, ne sont pas toujours compréhensibles mais évoquent avec symbolisme un souvenir, une impression. C’est cette beauté diffuse, sans pourquoi, qui fait l’ardeur d’un peuple et lui donne son âme, car l’éthique et l’esthétique sont intimement liées.

 

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« Ta cité mourra avant d’être achevée. Car ils vivaient non de ce qu’ils recevaient mais de ce qu’ils donnaient ». Comme les citadelles des hommes, le recueil de Saint Exupéry demeure inachevé. Il a été publié après sa mort par ses proches qui assemblèrent eux-mêmes ses notes. Mais chaque chapitre de ce qui se voulait d’abord être un poème contient à lui seul une grande puissance de réflexion sur des sujets variés que l’auteur traverse dans d’autres de ses ouvrages.

 


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