Le 26 novembre 2020, des islamistes radicaux ont attaqué le village copte d’Al Barsha en Egypte. Cette agression, qui n’est malheureusement pas un cas isolé dans cette région, est représentative de la situation des chrétiens dans ce pays.
En Basse–Egypte, la population copte représente la majorité de la population chrétienne égyptienne. Le scénario suit le même schéma que le pogrom dans un village près d’Assiout et celui, encore plus dramatique, de Minya en 2016. À chaque fois une rumeur fait état de chrétiens ayant « manqué de respect » à la domination symbolique musulmane (commentaires « blasphématoires » sur internet et/ou relation amoureuse entre un garçon copte et une fille musulmane. À noter que les viols et conversions forcées de jeunes filles coptes ne provoquent aucun émoi ni défense de la part de coptes contre les vexations systémiques et les agressions quotidiennes). Suite aux rumeurs, une foule islamiste chauffée à blanc par des imams radicaux se rassemble et incendie les maisons et l’église copte. À Minya, la mère du garçon copte « accusé » d’avoir une relation amoureuse avec une fille musulmane, a été sortie de chez elle et dénudée par la foule haineuse.
Un mécanisme similaire
À chaque fois le mécanisme est le même, c’est l’affirmation haineuse et brutale d’une logique discriminatoire et suprémaciste de la part d’une population musulmane exerçant une oppression sur les Coptes (il n’est d’ailleurs pas étonnant que les attaques arrivent surtout dans le gouvernorat de Minya où les Coptes sont plus nombreux en proportion et où il y a de nombreuses communautés rurales chrétiennes). Les attaques correspondent à la volonté de réaffirmer un ordre symbolique de domination musulmane vu comme menacé par des « provocations » dont on a vu qu’elles correspondaient surtout à une revendication de la part des coptes d’avoir une existence avec une dignité égale à celle des musulmans. Toute la communauté chrétienne est donc rendue responsable de l’acte d’un seul de ses membres dans une logique de punition collective.
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Ce mode d’opération suit ceux des pogroms antisémites de la Russie tsariste, des massacres hamidiens de 1894 à 1896 qui ont précédé le génocide arménien ou du pogrom d’Istanbul de 1955 contre les Grecs, les Arméniens et les Juifs. Si le bilan humain en Egypte n’est pas aussi dramatique, c’est que les autorités n’encouragent pas ces progroms et jouent même un rôle relativement neutre – néanmoins avec ses limites. Une fois les émeutiers islamistes, mais aussi des coptes, arrêtés, elles organisent des réunions de réconciliation où chaque communauté doit présenter ses excuses aux autres. Bien que nettement préférable à une épuration ethnique, ces réunions mettent à égalité les bourreaux oppresseurs musulmans et leurs victimes coptes.
Une logique discriminatoire
Les Coptes disposent d’une égalité légale réduite à son plus strict minimum (égalité du droit de vote ou service militaire pour tous). Mais ils subissent une discrimination et une oppression systémique qui se traduit par leur très faible représentativité dans la police ou les hauts gradés de l’armée, l’obligation de financer l’université islamique d’Al-Azhar dans laquelle ils ne peuvent étudier, la non-reconnaissance de leurs universités, le fait qu’une grande partie de la législation découle de la charia qui est un système légal discriminatoire envers les juifs et les chrétiens, les difficultés administratives pour obtenir une église y compris dans des endroits où ils sont nombreux et la fermeture de certaines d’entres elles. On a également pu voir les mécanismes récurrents de ces pogroms ainsi que les enlèvements de jeunes filles coptes. Enfin, ils sont également la cible attentats et de meurtres de la part des groupes djihadistes.
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Des réformes positives ont cependant vu le jour, que ce soit au niveau des ouvertures d’églises ou d’un discours public affirmant au moins en théorie l’égalité entre coptes et musulmans. Mais elles restent limitées. Les Chrétiens qui demandent une égalité réelle, comme par exemple le défenseur copte des droits humains égyptien Ramy Kamel, sont poursuivis. Une solidarité en soutien des coptes demeure plus que jamais nécessaire, comme l’ont rappelé les tragiques évènements d’Al Barsha. Dès lors, on peut se demander pourquoi les gens restent si silencieux sur des cas aussi documentés d’oppression systémique traversant tout un tissu social. Peut-être est-ce vu comme « juste un pogrom de plus » ? Il faut espérer que cela entraînera un mouvement de solidarité appelant à la justice en faveur des victimes d’Al Barsha et de toutes les autres.
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