G7 à Hiroshima : réflexions sur un symbole de l’Histoire
Publié le 31/05/2023
Le sommet du G7 de 2023 s’est déroulé du 19 mai au 21 mai 2023 à Hiroshima au Japon. Un événement qui rentre dans l’histoire en faisant écho à l’une des grandes tragédies de la Seconde guerre mondiale. Retour sur un sommet symbolique.
La réunion annuelle du G7 se sera donc tenue en Asie, au Japon, à Hiroshima. Regroupement orgueilleux de 7 pays riches, mais en terrible perte de dimension, il aura affiché, bien plus que les années précédentes, l’entêtement des États-Unis et de la plupart de leurs commensaux, à vouloir démontrer au monde entier leur supériorité et une vision du monde qui se voudrait humaniste. Mais des failles risquent sous peu de s’élargir, rendant les relations internationales plus incertaines. La guerre en Ukraine aura donné l’apparence d’une relative unité des pays européens derrière les États-Unis. Mais elle a surtout mis en évidence les limites de la puissance militaire américaine une fois encore la prétention de Washington à diriger sans partage les affaires du monde.
Une opposition à la Russie
Le G7 de ce mois de mai 2023 à Hiroshima, avait donc surtout pour but de tester la fiabilité des partenaires possibles des États-Unis. Pour cette raison ce G7 aura été centré sur les sanctions contre la Russie et la coercition économique de la Chine. Pour enrober ce double objectif, il aura appelé accessoirement, le monde à des principes qualifiés d’humanistes et de démocratiques. Mais ces références dévoyées heurtent parfois les fondements d’autres civilisations et s’avèrent alors comme de forts motifs de rejet. Le G7 ne s’en soucie guère, demeurant dans la logique prétentieuse, pourtant de plus en plus contestée, de l’ambition universaliste de son modèle social et économique, considéré comme supérieur à tout autre.
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D’ailleurs les mouvements altermondialistes accusent le G7 de vouloir « diriger le monde » en unissant des pays parmi les principales grandes puissances économiques, afin d’augmenter leur pouvoir commun sur les marchés mondiaux. Soulignons cependant que les pays d’Asie, hors Japon, représentent maintenant 60 % de la population mondiale, alors que l’Occident n’en représente plus que 10 %. Ajoutons qu’en 2022, la Chine produisait 22% du PIB mondial, alors que les États-Unis avaient chuté à 15% et que l’Inde avait progressé à 7%… De fait, ledit Occident n’est plus vraiment maître du jeu. Pourtant…
Les questions à la mode auront été abordées à Hiroshima; du réchauffement climatique à l’Intelligence artificielle, ou de la lutte contre les pandémies aux droits de l’homme et notamment ceux des LGBT, ou encore aux migrations. En réalité, le véritable objectif de cette réunion a bien été d’exprimer une opposition à la Russie et aux ambitions croissantes de Pékin. Les pays membres du G7 sont en fait, intimes, interdépendants, impliqués dans des relations tacites et souvent troubles remontant du passé, tous à une exception près: la France. Il n’est donc pas surprenant que le G7, un moment devenu G8 en incluant la Russie pour des raisons d’approches politiques, ait finalement saisi le prétexte de la récupération, par Moscou, de la Crimée, pour rejeter ce partenaire gênant par son indépendance. Quant à la France, il est plus aisé de la malmener de l’intérieur des cénacles dirigés par les États-Unis, en laminant, avec l’aide de quelques-uns de ses principaux dirigeants, son souhait naturel à promouvoir son particularisme et le désir de souveraineté de son peuple.
Une histoire nucléaire
Les Japonais, peuple de très haute civilisation, ont précisément adressé aux participants un message fort – mais probablement sans suite – en organisant cette rencontre à Hiroshima et en amenant le président Joe Biden à s’incliner devant la stèle commémorative de l’anéantissement de la ville, le 6 août 1945, par la bombe atomique américaine. Cette action fit entre 140 000 et 250 000 morts civils tués instantanément, auxquels allaient s’ajouter les décès par suite d’irradiation. Crime contre l’humanité ? Bien sûr que non. Il n’y a pas eu davantage de crime contre l’humanité dans les bombardements de la Serbie, de l’Irak ou de la Syrie. Le général Mac Arthur fit tout, dès le japon occupé, pour absoudre l’empereur des crimes de guerre dans lesquels il avait été impliqué, notamment en Mandchourie, en Corée, en Birmanie ou en Indochine. Ce fut un échange de bons procédés.
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Toujours un peu d’histoire. Elle est nécessaire pour comprendre le présent et préparer le futur. En juillet 1945 l’empereur du Japon, Hiro Hito, avait mandaté son fils pour offrir une reddition totale, avec comme seules réserves le maintien des structures traditionnelles du pays. Les Américains, surpris, firent traîner les discussions. Un tel achèvement du conflit n’entrait pas dans leurs vues. Les quelques et modestes demandes japonaises furent considérées comme un rejet de l’ultimatum lancé par les alliés lors de la conférence de Postdam. L’état-major américain savait que l’armée ennemie était épuisée. 90% de la flotte et 90% de l’aviation étaient détruits. L’industrie de guerre était totalement anéantie. De plus, l’URSS s’était engagée à Yalta, à entrer en guerre contre le Japon trois mois après la capitulation de l’Allemagne.
Une stratégie de surpuissance
L’Armée Rouge bascula du front européen et, dès le 8 août envahit la Mandchourie occupée par les forces japonaises. Mais pour le président Truman et son administration il fallait, d’une part, une victoire rapide pour éviter de la partager avec quiconque et, d’autre part, il fallait surtout faire usage de l’arme atomique, préparée en grand secret avec l’aide déterminante de scientifiques allemands réfugiés. L’emploi du feu nucléaire devait aux yeux du monde, et notamment de l’URSS, assurer de manière incontestable la prééminence absolue des États-Unis au plan militaire.
Ces arguments, bien réels, ne pouvaient être avancés, aussi les Américains développèrent-ils l’idée que les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki des 6 et 9 aoûts 1945, avaient permis d’épargner la vie de plusieurs centaines de milliers de soldats. Argument grandement fallacieux, quand on sait que dans la situation d’effondrement du Japon, les pertes, selon les analystes militaires objectifs, se seraient situées dans une fourchette de 20 000 à 30 000 hommes et, qu’en tout état de cause, le Japon aurait très vite capitulé. Peu importait ce qu’allait être le bilan du feu nucléaire !
Le Japon se souvient et ayant été absout, occulte ses propres crimes, mais rappelle ceux de l’ancien ennemi. Dans le futur affrontement entre les États-Unis et la Chine, que fera le Japon, membre du G7 et courtisé par Washington dans le cadre des QUAD (NDLR : Accord quadripartite États-Unis, Australie, Inde, Japon) et des accords de coopération ? La subtilité asiatique l’emportera peut-être sur le mensonge anglo-saxon. Il faut en effet se souvenir que l’île d’Okinawa, au sud du Japon, est occupée par les forces américaines, mais que l’archipel Sakishima, composé de quatre îles et trois rochers inhabités, est revendiqué aussi bien par Pékin que par Taipeh.
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Les Chinois ont en mémoire les humiliantes guerres sino-nippones et la participation du Japon aux guerres sino-occidentales ayant abouti aux « traités inégaux ». Il faut noter un autre contentieux, cette fois avec la Russie, au nord, concernant les îles Kouriles, annexées par les forces soviétiques lors de leur invasion de la Mandchourie. S’ajoute pour Moscou, le souvenir de la désastreuse guerre russo-japonaise de 1904-1905, qui aboutit à l’attribution de la moitié Sud de l’île de Sakhaline au Japon. Le Japon qui réarme, a-t-il intérêt à continuer à se montrer l’allié fidèle des États-Unis, alors que tout autour de lui, les pays d’Asie se rallient progressivement à l’OCS et que cette participation à un conflit contre les deux grandes puissances qui ont en mémoire les méfaits passés du Japon, s’érigent en adversaires déterminés de Washington ? Le Japon aurait beaucoup à perdre au cas où selon leur habitude, à un moment du conflit, les États-Unis s’en retireraient.
Quid des pays européens ?
L’Allemagne autre participant à ce G7 d’Hiroshima, et ancien allié du Japon dans la Seconde guerre mondiale, risque sans doute moins que le Japon dans un éventuel conflit avec la Chine ; mais elle ambitionne d’être affermie en tant que pilier otanien en Europe, second des États-Unis et maître de l’UE. Cette ligne de conduite, l’amène à se plier aux souhaits de Washington d’autant plus servilement qu’elle subit, dans l’allégeance, la concurrence de la Pologne. Elle plaide avec les Pays-Bas, pour une présence affirmée de l’OTAN en Indo-Pacifique. Ces deux pays souhaitent « oeuvrer dans l’OTAN pour développer des relations avec des « partenaires à travers le monde » dont l’Australie, le Japon, la Nouvelle-Zélande et la Corée du Sud, ces quatre pays étant déjà engagés avec l’OTAN dans le cadre d’un Programme Personnalisé de Partenariat de de Coopération (IPCP).
L’Allemagne, sans aucun doute sensible à l’ascendant américain dans le cadre otanien et décelant dans cet alignement une possibilité d’accroître son rôle géopolitique, continue à se montrer très allante en ce sens. Cependant elle semble savoir avancer seule. Ainsi ses banques sont-elles connectées au système SPSF sino-russe, concurrent du système d’échange interbancaire SWIFT. Le fait-elle sans arrière-pensée et sans l’aval des États-Unis ?
L’histoire de l’Italie d’après-guerre, en tant qu’alliée, est profondément entrelacée avec le rôle international des États-Unis. Elle se sent redevable envers les États-Unis de sa libération et de son retour à la démocratie, oubliant quelque peu, d’ailleurs, le rôle majeur de l’Armée française dans la prise du mont Cassin et l’ouverture de la route de Rome aux forces alliées. Elle abrite sous couvert de l’OTAN, le commandement de la Sixième Flotte à Naples et le commandement des forces alliées, la base aérienne d’Aviano dans le nord du pays, ainsi que les bases navales de la Maddalena et de la Sigonella. Les États-Unis disposent aussi de sites de stockage de munitions nucléaires. Il n’est pas envisageable que l’Italie s’éloigne des États-Unis. Rappelons que 16 % de la population américaine revendique des origines allemandes et 6% une origine italienne. Nous avons donc autour de 22 % des Américains qui sont liés aux anciens pays de l’Axe.
Le Royaume-Uni, quant à lui est intime avec les États-Unis, c’est une évidence, et la France a pu le constater, une fois encore à ses dépens, lors de la rupture de son accord avec l’Australie portant sur la construction de sous-marins et la création simultanée de l’alliance anglo-saxonne AUKUS. Il en est de même avec le Canada, trop proche géographiquement et culturellement des États-Unis pour pouvoir s’en démarquer.
Quelle position française ?
De ces simples constats, il ressort que la France, sans aucune raison, contrairement à ses intérêts, s’aligne sur les positions dangereuses des États-Unis. Ce pays ne recherche que le maintien de sa domination et utilise ses obligés ou alliés comme des supplétifs. Il est intéressant de relever que le premier ministre indien, Narendra Modi, invité à Hiroshima, a refusé devant Volodymyr Zelinski, un inévitable autre hôte extérieur, de condamner la Russie dans son « opération spéciale » en Ukraine. Il s’est contenté d’inviter à la paix. L’Inde, en effet, refuse toute subordination et prône ce qu’elle nomme le « multi-alignement ». Cette politique est parente de celle que la France menait jadis…
Il est étonnant que la France ne suive pas une option voisine d’autant plus qu’en Indo-pacifique, elle est territorialement impliquée, ce qui n’est absolument pas le cas dans le conflit ukrainien. Rappelons que la France avec 7 millions de km2 de ZEE sur les 11,6 qu’elle possède, est grandement présente dans la zone indo-pacifique. Signalons que cette Immense ZEE fait de notre pays, depuis les derniers réajustements, la première puissance maritime au monde devant les États-Unis. Entre 1,5 et 2 millions de nos compatriotes y vivent. Cet ensemble, par ses énormes ressources, fait de la France potentiellement une très grande puissance. Il est regrettable que seuls les Chinois et les Anglo-saxons, derrière les États-Unis, le sachent et fassent tout pour nous évincer de la France archipélagique. Seules ses orientations politiques et économiques actuelles, empêchent le réveil de cette puissance. En politique intérieure comme en politique étrangère, il y a un abysse entre le potentiel de la France et l’aptitude à l’assumer de ceux qui dirigent notre pays ! L’absence de projet national et de vision stratégique autonome largement partagée, rendent la France silencieuse.
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