Des soldats de la brigade de Givati s'entraînent aux côtés des forces de l'armée américaine dans un centre d'entraînement à la guerre urbaine. ©Cpl. Zohar Orbach

Le général Henri Roure revient sur la guerre qui secoue le Proche-Orient entre Israël et ses ennemis héréditaires.

 

Israël suscite en moi autant d’admiration que d’inquiétude. Pays occidental, implanté au Proche-Orient, au milieu de populations nombreuses et autochtones, il m’apparaît comme l’ultime colonie de ce qui était autrefois une « partie » de l’Occident.

 

Un projet colonial

Il est contre toute vraisemblance une colonie de peuplement de l’Occident collectif sur une terre déjà largement occupée. Il n’a pu s’établir que par la force et la violence, contraignant des habitants indigènes à quitter les terres qu’il revendiquait en se fondant sur une justification pseudo-historique. Cette politique se poursuit aujourd’hui et s’aggrave même, avec comme objectif un Grand Israël que certains de ses dirigeants appellent de leurs vœux.

 

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En substance, il cherche à étendre son implantation coloniale quand bien même notre siècle ne se prête plus à la colonisation. Les empires ont disparu et laissé la place à de nouveaux États regroupant des populations autochtones dans des frontières souvent héritées de la puissance coloniale. Le siècle serait plutôt caractérisé par de nouvelles grandes invasions que subissent les pays riches par des populations venues, précisément, de ces pays anciennement colonisés, incapables d’offrir à leur propre population l’espoir d’une vie décente.

La dénatalité des pays « du nord » stimule ce flux migratoire. Israël m’apparaît donc en retard d’un mouvement. Je me souviens d’être allé à Gaza, il y a de cela de nombreuses années et d’avoir été immédiatement saisi par la différence criante entre Israël, visible de l’autre côté des barbelés, et Gaza où je me trouvais. D’un côté des étendues organisées, nettes et cultivées, mais vides d’hommes et de l’autre une terre étroite montrant déjà une incroyable densité humaine. Il est souvent dit que la nature a horreur du vide…Ce n’est pas le seul paradoxe de ce pays.

 

Une histoire occidentale

Israël tente de se rattacher à une histoire vieille de deux mille ans où des Hébreux, des Juifs, organisés en quelques États, habitaient la région avec d’autres peuples. Après l’occupation romaine et les aléas de l’histoire orientale, ces États ont disparu. Seuls quelques rares israélites sont restés, mais la majorité a immigré. Ces migrants se sont évidemment étroitement mêlés aux peuples locaux et surtout européens.

En remontant l’histoire, il faut admettre que des mouvements de conversion au judaïsme avaient parcouru l’Afrique du nord romaine. Lors de la brutale arrivée des conquérants arabes, cette terre se partageait en tribus juives, païennes et chrétiennes, toutes issues d’un fond local auquel s’étaient ajoutés des apports génétiques de Grecs, de Romains, de Vandales et…de Gaulois.

Les Légions romaines venaient surtout de Gaule et leur recrutement était local. Ajoutons que le décret Crémieux du 24 octobre 1870 conféra la citoyenneté française aux 33 000 « Israélites d’Algérie » qui dès lors se comportèrent totalement en Français. Crémieux alors ministre de la Justice du gouvernement provisoire était lui-même juif.

 

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La singularité d’Israël réside ainsi dans son peuplement qui vient de l’ensemble des pays européens ou de nature européenne et n’a rien à voir avec les peuples alentours. Israël n’est qu’un appendice de l’Occident, une subtilité coloniale dans la mesure où il est né de la reconnaissance des Nations Unies en 1947. Une décision directement mentionnée comme l’un des éléments fondateurs de l’État d’Israël en 1948. Mais surtout, il bénéficie de l’appui incontestable et puissant des États-Unis et de leurs alliés où le rôle des citoyens de religion juive est important.

Faisons quelques comparaisons. Les États latins d’Orient établis à la suite des croisades durèrent approximativement de 1099 à 1291, date de la chute du royaume de Jérusalem avec la chute de Saint-Jean d’Acre. Mises à part quelques trêves, ils furent en guerre constamment avec les musulmans qui les environnaient. La population locale se partageait entre la religion chrétienne et l’Islam. Cette région fut considérée comme une terre de peuplement et s’organisa selon le modèle féodal. Ce furent surtout les Français qui s’installèrent jusqu’à représenter autour de 140 000 personnes, ce qui éclaire sur l’attachement que la France porte à cette région.

La population se rassembla surtout autour de châteaux et de bourgs fortifiés. Mais il y eut aussi la création de nombreux villages et de fermes, là où les chrétiens originaires de la région se trouvaient en majorité, les kibboutz de l’époque. Après la défaite et la fin des États latins d’Orient cette population dans sa grande majorité demeura sur place, mais dut se soumettre à de nouveaux maîtres.

 

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Ailleurs dans un autre siècle, mais toujours face à des populations musulmanes, la France a rassemblé des tribus de l’ancienne Afrique romaine et simultanément poussé des Européens chrétiens à s’installer dans ce territoire qu’elle allait appeler Algérie. En 1962 1,1 million Français durent quitter cette terre qu’ils considéraient comme leur pays. L’Algérie française avait duré 130 ans.

 

Israël peut-il résister seul ?

L’État d’Israël quant à lui existe depuis le 14 mai 1948, date officielle de la fin du mandat britannique. Ce nouvel État est à l’instar des États latins des XIème et XIIème siècle une greffe étrangère dans le paysage tourmenté du Proche-Orient. Il est l’Occident en Orient. Dans ces cas d’implantation en terre islamisée, la réussite n’aurait été possible que par une conversion des autochtones à la religion du colonisateur. La France s’y est refusée par respect des usages locaux et laïcité en gestation, et Israël sans doute par un complexe de supériorité et une vision de caste.

S’agissant des États latins d’Orient et de l’Algérie, l’Occident a dû refluer. Dans ce contexte, quel sort pour Israël à terme ? L’avenir de ce pays est-il certain alors que la puissance occidentale et surtout étatsunienne, est grandement affaiblie et de plus en plus contestée. Pour l’heure l’imbrication d’Israël dans le monde occidental au sein des domaines déterminants de la vie des États, par les relais que constituent les communautés de religion juive et les Sayanims, garantit l’existence et la sécurité de ce pays. Il est cependant évident que le déclin de l’Occident retentira fortement sur Israël.

 

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Nous pouvons nous féliciter de la destruction des terroristes dont nous, Français, subissons toujours les crimes, mais il est impossible d’approuver les opérations massives et meurtrières, menées par Israël. Elles ne font que radicaliser les populations contre non seulement Israël, mais aussi contre l’Occident et justifient les actions terroristes futures. Israël plutôt que de perpétrer ce qui désormais s’apparente à une vengeance impliquant malgré lui l’Occident, ferait bien d’œuvrer à maintenir ou établir un dialogue avec ses voisins tout en assurant sa sécurité légitime. Finalement, s’il ne devient pas un État oriental, Israël n’aura aucun avenir.

 


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