Le groupe LFI à l'Assemblée nationale. ©La France insoumise

La poussière de la bataille électorale LFI-Centre-RN est à présent retombée et, avec elle, certains yeux joyeusement fermés se sont rouverts aux réalités de terrain. Une chronique publiée sur H16 et sur le Diplomate.

 

Ainsi donc, finalement, nous nous retrouvons bien avec les trois «blocs» politiques que nous pouvions prévoir une fois le premier tour passé (à savoir RN, NFP et macronistes en nombre décroissant de bulletins). Cependant, ce second tour a fourni quelques surprises puisque l’ordre initialement prévu a subi des tensions de surface (et on se retrouve avec NFP, macronistes et RN) qu’on ne saurait surtout pas attribuer à quelques arrangements post-électoraux coupables (sans lien aucun avec les quasiment 3 millions de procurations).

 

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La démocratie est donc sauvée et les sphincters de toute la classe journalistique se sont donc subitement détendus à partir de 19h30, au moment où les nouvelles estimations en sortie des urnes – les plus fraîches – parvenaient aux rédactions (celles de 19h00 ne satisfaisant apparemment personne).

Comme nous pouvions nous y attendre avec ce nouveau décompte, les débordements post-électoraux furent finalement modérés : les niais de LFI pouvant croire à leur victoire, ils n’entreprirent pas (toutes) les destructions envisagées au départ.

Cependant et contrairement à ce que les médias laissèrent supposer à leurs auditeurs, les grands gagnants de dimanche ne sont pas les frétillants insoumis de LFI. En réalité, le succès se situe plutôt du côté du Rassemblement National (ce dernier a en effet gagné des douzaines de sièges) et, de façon presque amusante, du côté du Parti Socialiste qui revient d’entre les morts, proposant leurs zombies socialistes franchement plus pimpants que leurs homologues du LFI.

Eh oui : LFI n’a aucune majorité et tout indique que les autres partis sont maintenant inscrits dans un mouvement discret mais indéniable de distanciation de Mélenchon et de sa troupe qui, subitement, sentent le soufre. Ce dernier n’ayant pas gagné de sièges et s’étant même radicalisé pendant toute la campagne, LFI se retrouve à vociférer sur une victoire qui ne lui appartient pas et qui va assez probablement lui échapper cruellement dans les prochains jours.

 

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Il faudra attendre la composition précise du gouvernement (qui comptera peut-être un Insoumis dans ses rangs histoire de filer un jeton de présence à LFI) pour comprendre l’entourloupe, mais nous pouvons déjà réserver une bouteille pour récolter les larmes des gauchistes lorsqu’ils vont comprendre qu’ils se sont faits proprement avoir en soutenant Macron dans ses magouilles de second tour.

En effet, les pirouettes électorales, qui ont essentiellement consisté à d’habiles désistements pour favoriser un candidat unique contre le Rassemblement National, ont eu pour effet de rattraper la déroute retentissante que promettait de se prendre le groupe macroniste à l’Assemblée. Mieux : en redonnant de sérieuses couleurs au Parti Socialiste, voilà que les groupes parlementaires fréquentables (lisez ici « ni le RN, ni LFI ») se retrouvent entre gens « bien comme il faut », capables des indispensables papouilles républicaines capables de donner un peu de crédibilité à un éventuel gouvernement « centriste » attrape-tout, le tout en faisant oublier la nature parfaitement artificielle de cette chimère politique complètement détachée des aspirations du peuple.

Car oui, en définitive, dans la configuration actuelle, Macron n’a absolument pas besoin du groupe LFI (ni même des Communistes, des Divers Gauche ou des Verts, si on va par-là) pour gouverner. Seuls les députés LR « canal historique » sont maintenant réellement indispensables à Macron pour obtenir une majorité suffisante à l’Assemblée nationale, ce qui, au passage, leur donne un pouvoir que ces cucurbitacées fadasses n’espéraient probablement même plus.

Au passage, il ne faut pas se leurrer : Mélenchon, en bon ami de Macron, savait pertinemment comment cela allait se passer. Les dindons de la farce sont donc tous ceux qui y ont cru (et persistent à y croire encore maintenant), lui tournent autour et continuent de piailler qu’il mériterait d’être Premier ministre.

À présent, il semble donc acquis que le bidouillage politique, déjà particulièrement vivace dans le pays, va passer le mode turbo. En ratissant large dans un centre maintenant complètement dépourvu de la moindre colonne vertébrale et de la moindre capacité de nuisance, Macron peut (vaguement) s’en sortir avec un gouvernement composé d’un peu tout depuis les socialistes, les radicaux de gauche, les Verts jusqu’à ces LR qui sentent la mollassonerie, en passant par les truffes humides de l’extrême-centre modémique et les poires-à-lavement du parti macroniste.

 

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Sans surprise et pour contenter son aile la plus gauche, Macron pourrait redoubler d’inventivité fiscale. Cela tombe bien, la France a un important besoin d’argent et comme couper dans les dépenses n’est toujours pas à l’ordre du jour, on peut raisonnablement parier sur un déluge fiscal dans lequel seront placés quelques nuggets taxatoires afin de conserver un minimum de calme dans les rangs de LFI.

Las.

Malgré tous ces jolis bulletins rouges, malgré la ferveur ardente des adulescents survoltés qui votèrent encore plus à gauche, les finances publiques ne vont pas subitement mieux. Voter plus fort, plus à gauche n’a rien changé à cet aspect des choses : les dettes sont toujours là, la croissance est encore en berne, les rentrées fiscales sont de moins en moins solides ce qui n’améliore pas du tout la situation, et les avertissements du FMI sont toujours valables.

Autrement dit, le groupe qui risque bien de dicter sa politique à tout l’ensemble parlementaire n’est pas LFI, mais plutôt FMI.

Certes, si cela peut être repoussé encore quelques mois à la faveur d’un apaisement estival bienvenu, on peut cependant douter que la situation s’améliore spontanément d’elle-même pour tirer le pays de l’ornière d’ici à la fin de l’année. Le budget 2025 sera donc particulièrement critique, et, d’ici là, s’assurer que les fonctionnaires seront bien payés et les aides sociales bien distribuées nécessitera un pilotage budgétaire particulièrement habile. Qui sera le cador qui remplacera Bruno Le Maire ?

 

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Et dans l’hypothèse (improbable et hautement irréaliste, enfin voyons !) qu’ils ne trouvent pas de solide capitaine pour faire naviguer la France sans danger dans les eaux tumultueuses de la finance mondiale, certains recommanderont humblement aux Français qui ont un peu d’épargne de se préparer à s’en séparer, avec le sourire, pour le bien de la Nation reconnaissante-ou-presque.

D’autres conseilleront de sortir ce qu’ils peuvent du territoire, d’acheter des cryptomonnaies solides et reconnues, de l’or et de l’argent, des actions de grands groupes internationaux qui ne fricotent pas avec les États (et notamment le français) – ce qui exclura les banques, les assurances ou les constructeurs automobiles par exemple – et, pourquoi pas, quelques devises comme le franc suisse, le yuan, le yen ou même le dollar à court terme, l’euro représentant petit-à-petit beaucoup plus de risque que chacune de ces devises.

En somme, ces élections sont l’antithèse même de l’École des Fans puisque tout le monde a perdu, le peuple français en premier. Peut-être le prochain gouvernement, dans sa grande bonté, nous gratifiera d’un chèque-vaseline dont nous devrions tous avoir grand besoin.

 


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