Khally Diallo est un député mauritanien actuellement en déplacement en Europe à la rencontre d’élus européens. Une tournée qui ressemble à une opération de communication.
L’image est bien rodée : Khally Diallo, silhouette énergique mauritanienne, verbe haut, posant devant “quelques membres du Parlement européen”, ou enchaînant les rencontres avec des élus et militants européens. À l’écouter, la Mauritanie est un État en ruine, gangréné par la violence policière, la corruption et un racisme d’État à peine masqué. Un pays où « tout Mauritanien vit dans la peur », où les opposants sont systématiquement traqués, où la police tuerait à la chaîne en toute impunité.
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Un storytelling calibré pour les réseaux sociaux qui masque une réalité moins glorieuse : celle d’un homme en quête d’existence politique, et qui joue la surenchère médiatique pour s’ériger en messie de la contestation.
Un député en tournée, des vérités malmenées
Khally Diallo, élu en 2023 sous la bannière du Front Républicain pour l’Unité et la Démocratie (FRUD), n’est pas un novice en matière de communication. Fondateur de l’ONG La Marmite du Partage, passé par l’audiovisuel et le journalisme, il maîtrise à la perfection les codes du buzz et du message choc. Sa tournée européenne, initiée en février, était censée alerter les institutions sur ce qu’il pense de la situation politique mauritanienne.
Et pour ça, Diallo ne fait pas dans la dentelle. Lors d’une intervention au Parlement européen, il dénonce pêle-mêle l’assassinat maquillé d’un jeune homme par la police, la persécution des Noirs mauritaniens, l’expropriation massive des terres, l’inaction coupable de l’Europe face à la « dictature » en place. Des accusations lourdes, des formules bien tournées… mais une absence quasi-totale de preuves solides.
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Prenons le cas d’Oumar Diop, ce jeune dont Diallo affirme qu’il aurait été torturé, assassiné et empoisonné par la police, avant que son décès ne soit camouflé en overdose. Or, en creusant les faits, la réalité est plus nuancée. Selon des sources médicales et judiciaires, l’autopsie réalisée sur le corps d’Oumar Diop ne corrobore pas les accusations de torture avancées par Diallo. Le dossier, bien que troublant, ne permet pas d’affirmer une manipulation orchestrée par l’État.
Quant aux accusations sur l’expropriation des terres des Afro-Mauritaniens, elles méritent d’être replacées dans leur contexte. Oui, la question foncière est un sujet brûlant en Mauritanie. Oui, il existe des tensions liées aux évictions postérieures aux événements de 1989. Mais affirmer qu’il s’agit d’un « plan d’élimination organisé » relève d’une simplification outrancière. D’ailleurs, où étaient les propositions concrètes du député sur ce dossier ? Abstraction faite.
Populisme 2.0 et ambitions cachées
Khally Diallo a bien compris que pour exister politiquement, il faut créer du bruit. TikTok, X (ex-Twitter), Facebook… il est partout. Avec ses 148 000 abonnés, il se met en scène en justicier des temps modernes, en alignant punchlines et dénonciations chocs. À coups de vidéos virales et de posts indignés, il façonne un récit : celui d’un porte-voix du peuple muselé.
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Mais alors, à qui profite le crime ? Diallo ne l’admettra jamais ouvertement, mais en coulisses, certains commencent à murmurer qu’il cherche à se positionner pour la présidentielle de 2029. Trop tôt pour l’annoncer officiellement, mais suffisant pour préparer le terrain. Car dans une Mauritanie où l’opposition peine à trouver un leader capable de fédérer, Diallo veut se poser en alternative, en surfant sur la vague sénégalaise voisine où Sonko et Faye ont pris le pouvoir l’année dernière.
Sauf qu’à force de pousser les curseurs du sensationnalisme, le risque est grand de se décrédibiliser. Un opposant politique a besoin de constance et de crédibilité. Or, Diallo s’enlise dans une posture où la nuance est absente, où tout est ramené à une lutte du bien contre le mal, où les faits cèdent le pas à la dramatisation.
Entre vérité et communication
Il serait faux de dire que la Mauritanie est un modèle parfait de démocratie. Le pays a ses défis, ses injustices, ses zones d’ombre. Mais il serait tout aussi faux de tomber dans la caricature d’un État totalitaire où toute opposition est systématiquement réduite au silence. Lui-même, opposant farouche, y vit, sans être inquiété.
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Khally Diallo joue un jeu dangereux : celui du tribun qui confond militantisme et politique, qui pense que l’outrance est une stratégie viable sur le long terme. Or, s’il espère réellement peser dans l’avenir politique de la Mauritanie, il lui faudra sortir du registre du coup d’éclat permanent pour proposer une vision crédible et des solutions tangibles.
En attendant, sa tournée européenne ressemble davantage à une opération de communication bien huilée qu’à une véritable mission de plaidoyer. Beaucoup de bruit, peu de fond. Et une question qui demeure : après les projecteurs des institutions européennes, que restera-t-il de Khally Diallo une fois revenu à Nouakchott ?
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