Il n’est pas rare que certains pays émergents soient tentés de reproduire les créations culturelles européennes. Pour autant, parviennent-ils à rivaliser avec notre patrimoine millénaire ?
On peut copier la technique de toute chose, mais jamais l’âme. Combien de Chinois ou d’Américains ont copié nos techniques de vinification, parfois même en nous surpassant techniquement, mais sans jamais parvenir à la profondeur de nos vins. Ils ne comprennent pas que l’on ne puisse pas reproduire l’histoire et l’identité d’un terroir millénaire. Nous pourrions les remercier pour le compliment de leur intérêt, car qu’y a-t-il de plus flatteur que d’être imité par tous les moyens ? Mais c’est sans compter cette propension qu’ils ont aussi à racheter notre patrimoine quand ils ne parviennent pas suffisamment à l’imiter ; et là c’est autrement plus grave.
Combien de Qataris cherchent aussi à copier l’architecture française classique ou baroque, en investissant des millions dans de fades reproductions, grossières et vulgairement fastueuses, sans jamais comprendre les subtilités de l’excellence et du goût français. Versailles ne coûta pas plus que le prix d’un avion de chasse… mais il demeure le plus beau palais de la Terre. Pourtant tous ces pays qui peuvent se payer mille avions de chasse, ne parviendront jamais à ce niveau de raffinement. Pourquoi ? Cela leur échappe. Notre poésie et notre ancienneté échappent à ces pays sans histoire, souvent trop vulgaires pour saisir ce qu’ils imitent. La recette de la beauté ou de l’excellence n’est pas à leur portée, alors tous ces gens du monde se contentent de pâles copies, n’étant pas assez sensibles pour comprendre les subtilités du raffinement européen.
De même pour les interprètes musicaux – souvent asiatiques mais pas seulement – du répertoire classique : de la virtuosité au bout des doigts, mais rarement de cette intensité dramatique et de cette profondeur qui constituent l’âme du Vieux continent. Encore et toujours, on parvient à imiter la forme, car la forme tient à la technique, mais jamais le fond. Ce dernier est une affaire d’héritage, il n’est pas interchangeable. On ne s’offre pas des siècles d’histoire, on en est l’héritier, ou bien le spectateur, rien d’autre. Au mieux, si l’on n’hérite pas du vieux monde, on en est le bon élève, rien de plus.
Le plus insupportable dans ces reproductions vides et superficielles demeure lorsque le fade imitateur croit avoir compris notre âme, et l’avoir reproduite. Cela me rappelle ces « femen » qui insultent la femme en pensant l’imiter, et en reléguant la féminité à ce qu’il y a de plus vulgaire et grotesque. La caricature éhontée de ce qu’il y a sur Terre de plus fin et de plus haut… Lorsqu’ils croient avoir réussi à reproduire notre patrimoine, ces imitateurs-là l’insultent de la même façon, sans même s’en rendre compte. Quelle prétention que de chercher à imiter ce qu’on ne peut même pas comprendre. Mais sans prétention patriotique, ce principe vaut dans tous les sens. Nous avons aussi ces Européens, par exemple, qui pratiquent les arts martiaux mais ne parviennent pas à mon sens à saisir une certaine profondeur toute inimitable et exclusivement asiatique : là encore, ils imitent ce qu’ils ne peuvent saisir. Et ainsi de suite.
Le problème est de croire que l’on peut photocopier l’insaisissable. Certaines choses, souvent anciennes, ne peuvent exister en dehors de la marmite qui les a créées, c’est ainsi. Et s’il est bon de s’essayer à ce qui diffère de nous, il est sage de se contenter de faire ce qu’on a les moyens de faire. Le vin, la poésie, la gastronomie, les belles manières et l’élégance, l’architecture, le terroir, les cathédrales, les palais classiques, les forteresses médiévales, les savoir-faire d’excellence, les jardins somptueux… voilà ce dont nous, Européens, sommes héritiers et dépositaires. Notre héritage et notre patrimoine, ce sont 15 siècles de monarchie catholique, précédés par 40 siècles d’antiquité greco-gallo-romaine. Allez imiter ça, quand votre peuple et votre pays n’ont qu’un ou deux siècles d’existence !