La crèche de Bethléem est entourée de barbelés et de gravats en solidarité avec le peuple gazaoui. ©Charles de Blondin

Dans la nuit du 24 au 25 décembre, la messe de minuit s’est déroulée dans la basilique de la Nativité à Bethléem. Un événement exceptionnel marqué par la solidarité envers le peuple palestinien de Gaza.

 

Dans la basilique de la Nativité, le Pater Noster résonne à l’unisson en arabe. En cette nuit de Noël, plusieurs centaines de fidèles se sont rassemblées pour célébrer la naissance du Christ sous le ciel de Bethléem en Cisjordanie. Malgré l’annulation des festivités de Noël, la messe a eu lieu dans une ambiance de deuil en présence de responsables diplomatiques et politiques locaux réunis autour du patriarche latin de Jérusalem, le cardinal Pizzaballa.

 

A Bethléem, un Noël sans joie

Cette année, l’entrée à la basilique, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2012, se fait sans billet ni réservation. Un contraste notable par rapport à la procédure habituelle, où l’obtention d’une place peut parfois prendre jusqu’à six mois. Les chants de Noël qui habituellement étaient entendus sur la place de la Mangeoire ont été éclipsés par l’agitation des dizaines de journalistes venus du monde entier couvrir cet événement et à une sécurité renforcée pour l’occasion.

 

LIRE AUSSI → Israël – Gaza : le massacre des Innocents

 

A cause de la guerre entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza, les fidèles sont peu nombreux, très loin des deux millions de touristes que la basilique et Bethléem accueillent chaque année. Quelques centaines seulement, dont une grande partie des expatriés habitants la région. Rares sont ceux qui ont fait le déplacement depuis leurs pays d’origine. « Généralement, la plupart des personnes présentes sont des personnalités politiques ou des pèlerins. Les locaux vont plutôt à celle du jour de Noël ». témoigne un habitant présent à cette célébration. « Cette année, les habitants sont plus nombreux ». Une messe internationale qui n’est pas en anglais comme il serait légitime de croire mais très majoritairement en latin avec une prière universelle en hébreux montrant une volonté d’unité.

 

L’enfant Jésus est présenté à l’assemblée par le cardinal Pizzaballa avant d’aller le déposer dans la crèche. ©Charles de Blondin

 

Mais cette année est spéciale. La guerre est dans tous les esprits. Depuis l’offensive israélienne, les Gazaouis payent le prix fort avec plus de 23 000 morts en l’espace de 2 mois et demi. Sur la place de la Mangeoire devant la basilique, la crèche reflète cette réalité austère. Joseph et Marie, qui tient dans ses bras l’enfant Jésus, sont entourés de barbelés comme pour rappeler la dureté de la situation à une centaine de kilomètres de là. Dans une église luthérienne, un enfant Jésus, déposé sur un tas de gravats, est emmailloté d’un keffieh, un tissu noir et blanc symbole de la lutte palestinienne. Un emblème parfois utilisé comme guirlande sur le sapin. Mais ils ne sont pas seuls. « Notre cœur, ce soir, est à Bethléem », a déclaré le pape François lors de la messe de Noël à Rome, en dénonçant la « logique perdante de la guerre ». Une solidarité qui s’est déjà exprimée lors du siège de 2002 où des Franciscains se sont porté « otages volontaires » pour protéger des militants palestiniens qui avaient trouvé refuge dans la basilique lors de l’occupation de Bethléem par l’armée israélienne.

 

« Il n’y avait pas de place pour eux »

Le sermon du cardinal Pizzaballa, patriarche latin de Jérusalem, se veut tristement réaliste. « Il semble que pour nous, il n’y ait pas de place pour Noël […] Trop de douleurs, trop de déceptions, trop de promesses non tenues encombrent cet espace intérieur ». Les mots sont justes et résonnent dans le cœur de l’assemblée qui suit de près la situation à Gaza. Il met en parallèle la situation que vivent les Palestiniens avec celle de Marie et Joseph le soir de Noël. Comme eux, il n’y a pas de place. « Cela exprime bien leurs situations » explique-t-il. « Ils n’ont plus d’endroits sûrs, de maison, de toit, ils sont privés de tout ce qui est essentiel à la vie, ils meurent de faim et sont exposés à une violence incompréhensible ».

 

LIRE AUSSI → ENTRETIEN – Éric Denécé : «Le Hamas a endormi les Israéliens»

 

Sans vouloir rentrer dans la polémique, il va plus loin en dénonçant l’occupation dont est victime le peuple palestinien, chrétien comme musulman. « Il attend depuis des décennies que la communauté internationale trouve des solutions pour mettre fin à l’occupation sous laquelle il est contraint de vivre et à ses conséquences ». Un discours qui va droit au but face à la dizaine de représentants diplomatiques européens, dont le consul général de France. Applaudi par l’assemblée, son appel aux responsables politiques se veut très clair. Les gouvernants doivent œuvrer « sérieusement à l’arrêt de cette guerre […] Des mots comme occupation et sécurité […] doivent être remplacés par confiance et respect ».

L’occasion pour lui de remercier la Jordanie pour son aide humanitaire et la France. Le 23 décembre, Emmanuel Macron avait pu échanger avec le patriarche en évoquant « sa vive préoccupation face à la situation dramatique de la paroisse latine de Gaza, où des centaines de civils de toutes confessions avaient trouvé refuge » dénonçant la manière « indigne » dont deux paroissiennes avaient été tuées. Il en a profité pour « les assurer que la France se tient à leurs côtés » tout en réaffirmant la « fidélité de la France à ses engagements notamment au rôle particulier de protection d’un certain nombre de communautés chrétiennes ».

Le curé de Gaza prend également la parole pour rappeler qu’il n’abandonnera « jamais » les siens prisonniers sur place. Proche du pape François, il fait en sorte, lorsque cela est possible, de mettre son portable en haut-parleur afin que le chef de l’Église puisse communiquer aux Chrétiens de Gaza, qui ont refusé de quitter leurs terres. Un sermon qui trouve néanmoins son chemin dans l’espérance. « Dieu peut faire de la place même dans les cœurs les plus durs ». Ite missa est.

 


Vous avez apprécié l’article ? Aidez-nous en faisant un don ou en adhérant

Laisser un commentaire

RSS
YouTube
LinkedIn
LinkedIn
Share
Instagram

Merci pour votre abonnement !

Il y a eu une erreur en essayant d’envoyer votre demande. Veuillez essayer à nouveau.